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ont été unanimes à reconnaître que les Boers traitent blessés et captifs d’une façon irréprochable. Les généraux anglais ont reconnu qu’ils font la guerre d’une manière chevaleresque.

L’arbitrage est comme le mot d’ordre de notre civilisation moderne. Eh bien ! M. Krüger et M. Steyn s’y sont toujours attachés. Il a été admis en principe, quoique avec des restrictions, dans la Convention de Londres. On y a eu recours en 1885, dans l’affaire des coolies. M. Krüger a présenté à sir Alfred Milner, lors de la conférence de Bloemfontein, un projet d’arbitrage élaboré en plusieurs articles. Ce fut l’Angleterre qui refusa. Le suzerain ne pouvait admettre l’arbitrage ! L’interprétation de la convention devait rester unilatérale, et au besoin serait imposée par la force. Comme si, même dans le système de M. Chamberlain, entre patrons et ouvriers, l’arbitrage n’était pas de règle ! De quel côté, ici encore, est la civilisation la plus avancée ?

On se rappelle la scène de Trafalgar-square, où la racaille ministérielle a fait cohue, et, avec toute sorte de menaces, a conspué les amis de la paix, leur a jeté des œufs pourris à la figure et les a empêchés de parler. Croyez-vous que l’impression que fit à Pretoria le récit de ce scandale ait été fort édifiante ? N’avait-on pas dit aux Boers que la liberté de la parole était l’apanage presque sacré de la civilisation moderne ? La presse était partout considérée comme la grande force motrice du mouvement civilisateur, et, dans ses meilleurs jours, la presse anglaise marchait à la tête de toute la phalange des journaux. Mais qu’en dire à présent, depuis sa dernière campagne jingoïste ? Seule la Westminster-Gazette tient encore aux principes. Le rédacteur en chef de la Daily Chronicle, qui ne pensait point comme les autres, a dû donner sa démission. Nulle dissidence d’opinion ne saurait plus être tolérée. De la presse au télégraphe, il n’y a pas loin. Or, quel usage en a fait le War-Office ? Toutes les dépêches mutilées ; les défaites changées en batailles gagnées ; les plus petits avantages, dans des escarmouches insignifiantes, enflés en victoires importantes ; les pertes de l’ennemi triplées, les pertes anglaises diminuées ; et la censure d’Aden isolant les républiques sud-africaines de leurs propres agens, des gouvernemens étrangers et du monde entier. Je connais à Amsterdam une famille distinguée, dont la fille mariée est dangereusement malade à Pretoria. Aucune dépêche ne passe, et on laisse les parens dans la plus navrante incertitude !

Mais ce que craignent par-dessus tout les médecins du