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« J’accepte ; » il l’avait dit de telle sorte que tout, le monde avait compris le contraire ; lorsqu’il s’aperçut que M. Krüger, comme tout le monde, était dupe de l’ambiguïté de son langage, il ne protesta pas, il se tint coi, et, sachant que l’effet de ce malentendu serait de déchaîner la guerre, il alla pérorer dans le Nord de l’Angleterre pour échauffer contre M. Krüger la haine populaire. Et voilà pour ce qui est de la véracité diplomatique.

Quant au champ de bataille, je passe sous silence le fait qu’on a tiré sur la Croix-Rouge. Cela s’est fait de part et d’autre, non pas de propos délibéré, mais à cause des brouillards et des distances. Dans un tir à 3 000 ou 4 000 mètres, c’est à peine si la Croix-Rouge se distingue, et la direction des bombes est trop incertaine. Mais il y a autre chose. Le gouvernement de Pretoria a saisi les consuls d’une plainte formelle, fondée sur ce qu’on aurait abusé de la Croix-Rouge, pour servir de sauf-conduit à un train blindé, qui allait réparer les rails. Le docteur Kakebeeke a déclaré, dans une lettre autographe, qu’il avait vu de ses yeux, lors de la bataille d’Elandslaagte, des lanciers anglais percer de coups plusieurs Boers qui gisaient blessés ou qui avaient jeté les armes[1]. M. P. R. Kock, adjudant du général de ce nom, a publié, dans le Standard and Diggernews du 4 novembre, une déclaration faite sous serment où il raconte qu’il a trouvé le général Kock, blessé au bras gauche par une balle dum-dum, tout nu, couvert seulement d’un linge ; et que le général affirma que, pendant la nuit, un soldat anglais lui avait pris tous ses effets, tous ses habits, et l’avait laissé comme cela, dans ses angoisses. M. Stead, dans son War against war raconte que le soldat anglais J. Gavin, des King’s royal rifles, a vu de ses propres yeux un autre soldat des Dublin fusiliers enfoncer son sabre jusqu’à la garde dans le corps d’un prisonnier qui s’était rendu. De même, toutes les lettres des blessés ou captifs du corps hollandais, qui ont été insérées dans nos journaux, attestent que les lanciers surtout ont fait rage à Elandslaagte, et qu’à presque tous les blessés et captifs, on a volé leurs bourses, leurs montres et leurs bijoux. Or je suis convaincu que l’état-major anglais réprouve ces inhumanités, et qu’en Angleterre, tout homme de cœur les déteste, mais je le répète, est-ce ainsi qu’on peut faire de la propagande à une civilisation supérieure ? Les prisonniers de Pretoria, y compris M. Churchill,

  1. Nieuwe Rollerdamsche Courant du 18 décembre.