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Mais, après la découverte des mines, toute comparaison cessa, et Mme Olive Schreiner a très bien établi que, pour comprendre les embarras du gouvernement de Pretoria devant cette avalanche imprévue d’aventuriers, il faudrait imaginer qu’un beau jour 40 millions de Russes et d’Allemands eussent fait irruption en Angleterre pour y venir épuiser les mines du pays de Galles et de l’Ecosse, et en exporter chez eux le produit. Placé en face de cette situation éminemment dangereuse, il était sans contredit du devoir du Volksraad de veiller à la conservation du corps de la nation. Le débordement de ce corps par ses incorporés n’est jamais admissible, l’idée de l’adoption dans une famille existante et destinée à persévérer devant toujours rester le principe directeur de toute naturalisation. Les mesures rigoureuses que le Volksraad prit alors étaient donc entièrement justifiées. Tout gouvernement européen, en pareil cas, on aurait pris de bien plus draconiennes encore. Et le fait que le Volksraad osa tout de suite abaisser le stage de quatorze à sept ans ne s’explique que par l’expérience acquise, que ceux qui ont vraiment l’intention de rester se métamorphosent bien vite en demi-Boers qui font cause commune avec les vieux colons contre l’Angleterre, tandis que la majorité de cette population aventurière, n’ayant d’autre intention que de tourner le dos au Transvaal, aussitôt fortune faite, se soucie très peu d’une naturalisation qui soumette ceux qui en bénéficient au service militaire.

Remarquez d’ailleurs que dans la Natalie, où les Anglais se sentent débordés par les coolies des Indes orientales, ils sont les premiers à vouloir exclure ces « mal venus » de la direction des affaires, ou même arrêter leur immigration. M. Younghusband nous dit même[1] que le cri de Loose from England leur paraît préférable au danger de se voir supplantés chez eux par des étrangers. En outre, pour bien juger toute cette question, il est utile d’observer que toute naturalisation détache les sujets de la nation à laquelle ils appartiennent, pour les incorporer dans une autre nation dont ils deviennent les fils adoptifs. Que penser alors d’un gouvernement qui insiste pour hâter et faciliter la naturalisation de ses propres sujets ? C’est comme si une mère, voulant se défaire de ses propres enfans, tâchait de forcer un tiers à les adopter. Donc il est clair que toute action d’un gouvernement

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