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en ses Livres Bleus. Mais quand et ces plaintes furent-elles portées ? Non pas devant le parquet de Johannesburg ; mais chez l’agent britannique à Pretoria, et cela un mois entier après que ces prétendus faits auraient eu lieu. Aussitôt prévenu, le gouvernement de Pretoria confia l’enquête à trois personnes de distinction. Pendant de longues journées, cette commission entendit tous les plaignans et tous leurs témoins ; et le résultat fut que plaignans et témoins furent tous trouvés coupables de toute espèce d’infractions à la loi, mais que le policier Lombard, quoiqu’un peu rude dans ses manières, n’avait pas commis le moindre outrage. Le seul reproche demeuré à sa charge fut qu’il avait opéré ses perquisitions pendant la nuit et sans mandat spécial.

Le cas dit de l’Amphithéâtre est encore plus ridicule. La South African league voulut un jour tenir un meeting dans l’Amphithéâtre et prévint le procureur d’Etat, par l’entremise de M. Wyberghe, qu’il lui serait agréable de ne pas être importunée par la présence de la police. Se conformant à ce désir, le procureur télégraphia à la police de Johannesburg de s’abstenir et de ne point paraître. Mais à peine le meeting était-il commencé que les opposans à la « league » envahirent la salle ; une bagarre s’ensuivit ; et les quelques agens qui faisaient sentinelle à la porte ne furent pas en état de séparer assez vite les combattans. De là, plainte à Londres, que le gouvernement du Transvaal eût fait preuve de son impuissance à protéger les sujets britanniques[1] ; et toute la presse capitaliste du Cap de battre la grosse caisse contre les Boers ; et M. Chamberlain de porter toutes ces récriminations et toutes ces déclamations de journaux devant l’aréopage du Parlement, dans ses Livres Bleus. C’est ainsi que l’on crée une opinion publique à sa guise et qu’on prépare la nation à une guerre de brigandage. Oh ! que non, ce n’était pas s’immiscer dans les affaires intérieures du Transvaal ! C’était tout simplement veiller à la stricte protection des sujets britanniques, ou plutôt de ces bons apôtres de Johannesburg, qui avaient commencé par dire aux magistrats du Transvaal : « Dispensez-nous donc de votre police ! » et qui, plus tard, rentrant de leur meeting roués de coups, se plaignaient amèrement de ce que la police ne les avait pas protégés[2]. Mais qu’est-ce que cette bagarre dans

  1. Livre Vert, p. 19 et 20.
  2. Cf. Een eeuw van onrecht, p. 48 (éd. Dordrecht). Une édition anglaise a été publiée à Baltimore par M. van der Hoogt.