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du Seigneur, et que la femme-mère, — sans ombre de féminisme, — y jouit d’une prépondérance indiscutée dans la vie de famille et même dans les arrangemens sociaux. Exemptes de tout désir de luxe, les femmes boers se vouent presque exclusivement à leur époux et à leurs enfans. Elles sont fortes, courageuses. Sans trahir leur sexe, elles manient le fusil et montent à cheval comme les hommes. L’enthousiasme de leur passion nationale surpasse même assez souvent celui de leur mari, et lorsqu’en octobre, la guerre éclata, ce furent elles qui, quand le père hésitait et même refusait, allumèrent dans le cœur de leurs garçons de 14 ans et même de 13 ans le désir irrésistible de partir pour la guerre. Il est vrai que les Anglais, à de rares exceptions près[1], nous ont toujours dépeint ces Boers comme « présentant un lamentable spectacle de paresse et de stupidité, » et leurs femmes comme « menant une vie endormie et inactive ! » Mais les Boers opposaient invariablement à ces reproches leur : « Monsieur, vous ne connaissez pas le Cap[2] ! » et la triste expérience que les Anglais ont faite à Modder rivier et à Colenso ne leur permet pas de dire que les Boers aient eu tort. Même après plus de quatre-vingts ans, ils ne connaissent encore ni le Cap ni les Boers ; et leurs défaites le leur ont bien prouvé. Les Anglais ne comprennent que ce qui leur est semblable, et, pour cette raison, tâchent d’assimiler à leur type tout le monde. Mais les Boers demeurent opiniâtrement réfractaires, et s’entêtent à rester absolument inassimilables.


III

Il n’est pas de gouvernement bien avisé qui, ayant à s’installer sur une terre conquise, ne doive faire tous ses efforts pour ménager, dans la mesure du possible, les susceptibilités et les coutumes de ses nouveaux sujets. A cet effet, il évitera tout changement trop subit dans l’organisation politique et sociale ; il mettra son étude à ne se faire presque pas sentir, et s’ingéniera à donner l’impression que tout marche encore comme du temps de son prédécesseur. Tout au plus s’informera-t-il des plaintes de la

  1. Je cite, en dehors du groupe de M. Gladstone, les noms de Froude, de sir George Grey, de Selous, de Gordon Cunning, de J. -C. Millner et de H.-A. Bryce. Voyez Grey, holds up the Boer as a model of the civil and communal spirit. Cf. Purvis et Biggs, p. 55. Froude dit : « Il n’y a pas sur la terre de gens moins stupides. » No people on earth were less stupid. » P. 115.
  2. Percival, p. 205, 217, 255.