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aurait fait des préparatifs somptueux pour recevoir une foule de convives. Tout est prêt et a été merveilleusement installé, et on ne peut que regretter le peu d’empressement des invités. Le mouvement commercial du port de la Pallice ne dépasse guère en effet 100 000 tonnes ; il pourrait, il devrait être dix fois plus considérable. L’avenir lui ménagera peut-être des jours prospères et un succès mérité. Mais le présent, on doit le reconnaître, est loin de répondre aux espérances conçues et aux sacrifices libéralement consentis.


VII

On compte à peine, à vol d’oiseau, 120 à 130 kilomètres de la pointe de Chef de Baie, qui marque l’entrée de la Rochelle, à la pointe de Saint-Gildas, dont les roches anciennes annoncent l’approche de la presqu’île armoricaine, et que le navigateur venant du Sud doit doubler pour entrer dans l’estuaire de la Loire. Il y en a près du double aujourd’hui, en suivant toutes les sinuosités de la côte ; il y en avait au moins le triple, il y a à peine quelques siècles, alors que le golfe du Poitou et la baie de Bourgneuf s’enfonçaient profondément dans les terres et que l’île de Noirmoutier, tout à fait soudée au continent, formait une énorme presqu’île dont l’îlot du Pilier était en mer le cap avancé.

Au large de cette côte, à une vingtaine de kilomètres du cordon de dunes littorales qui s’étend de Saint-Gilles-sur-Vie à la Barre-de-Monts, émerge une masse rocheuse de nature granitique, ayant à peu près la forme d’une ellipse allongée dont les deux axes ont respectivement 8 et 3 kilomètres. C’est l’île d’Yeu. Elle est reliée à la terre ferme par un de ces larges seuils sous-marins, toujours recouverts par les eaux, même les plus basses, et que les marins appellent des « ponts, » mais qui devaient très certainement émerger à l’origine de notre époque géologique et n’ont pas encore eu le temps de se recouvrir de vases, d’algues et de ces milliers d’animalcules qui composent le monde de la mer et constituent souvent des brisans assez dangereux. Ce sont bien en quelque sorte des « ponts noyés. » Ce long banc de micaschiste est la première indication de l’existence ancienne d’une côte primitive, que les flots ont peu à peu usée et démolie. L’île d’Yeu formait un promontoire, le plus avancé peut-être de cette partie de notre vieille Europe. Elle en est, depuis bien des siècles,