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race française était presque entièrement composé d’émigrans de l’Aunis et de la Saintonge. La perte de nos colonies lui porta par suite un très rude coup ; et malgré ses courageux efforts, l’heure de la décadence commençait à sonner.

La Rochelle ne cessa cependant de réagir avec une indomptable ténacité, cherchant toujours à améliorer les conditions assez médiocres de son port souvent envasé qui, grâce à une lutte persévérante et à des travaux constans, présente aujourd’hui de très bonnes conditions d’entrée et d’aménagement pour les navires moyens. D’importantes transformations ont été faites au cours de ce siècle dans l’ancienne baie et les vieux bassins ; et on doit être reconnaissant aux ingénieurs de les avoir exécutées sans détruire les vieilles tours qui se dressent fièrement comme deux sentinelles avancées à l’entrée du port et lui donnent un très noble caractère et un grand intérêt de souvenirs. Deux de ces tours, la tour Saint-Nicolas et la tour de la Chaîne, semblent les énormes piliers d’un gigantesque portail d’une arche de 100 mètres d’ouverture. La dernière portait, comme son nom l’indique, une chaîne qui barrait l’entrée du port, et se reliait par une courtine à un troisième ouvrage, la tour de la Lanterne, môle cylindrique flanqué de tourelles et couronné par une pyramide, portant autrefois le « gros cierge flambant » qui éclairait la passe. La vieille ville a conservé d’ailleurs une physionomie sombre et toute la raideur calviniste. Rues étroites, froides, souvent désertes, hôtels tristes et silencieux, précédés de porches lourds et massifs qui arrêtent la lumière. Çà et là cependant quelques sculptures élégantes de la Renaissance, mais presque partout de vieilles maisons, ayant l’air peu engageant de petites forteresses ou de prisons. La fortification continue qui l’entoure ne date que de l’époque de Vauban, et contribue à lui donner l’aspect d’une ville fermée et un peu morte ; et les bassins actuels, quoique très bien aménagés, ne sont plus accessibles qu’aux bateaux de moyen tonnage.

L’ancien port de la Rochelle se trouvait autrefois au milieu des marais, dans la partie orientale de la ville occupée aujourd’hui par la place d’armes ; il s’est comblé peu à peu et a complètement disparu. Le port moderne est au Sud de la ville, et on y accède par un large chenal, qui a été longtemps très sinueux, et qu’on a redressé depuis peu. Ce chenal a 2 500 mètres de longueur ; il rase la tour Richelieu et suit la passe qui avait été ménagée dans