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d’assainissement soigneusement entretenus ; un certain nombre enfin, désignés sous le nom de marais gâts, anciens marais salans que l’on transforme tous les jours en petits bassins pour l’élevage des huîtres et surtout des moules, qui sont devenues une des principales richesses du pays.

Cet ancien golfe du Poitou, aujourd’hui en grande partie comblé, et qu’on appelle toujours et si bien « le Marais », n’avait pas moins de 250 kilomètres de développement en suivant toutes les sinuosités de sa côte très dentelée et en s’engageant dans toutes les baies, qui se ramifiaient en éventail dans l’intérieur du continent comme les tentacules d’une pieuvre gigantesque ; et il est facile d’en suivre exactement le contour très nettement indiqué sur les cartes géologiques par la teinte des alluvions récentes déposées par la mer, et que le soulèvement général de toute la zone littorale a fait récemment émerger. En partant de la batterie Saint-Clément et en se dirigeant vers le Nord, cette ligne passait par Esnandes, Villedoux, Andilly-les-Marais, Nuaillé, Saint-Cyr-du-Doret, Arçais, Sainte-Christine, Chaillé, Fontaine, Montreuil, Velluire, Poiré, le Langon, Lagrange, Mouzeuil, Nalliers, Chevrette, Chavigny, Sainte-Gemme, Luçon, Chasnay, Saint-Denis, Saint-Benoît, Angles et Longeville. On voit que nous indiquons le rivage de l’ancien golfe de la manière la plus précise. D’après ces limites, on peut estimer à 50 000 hectares la superficie du territoire récemment émergé et pour ainsi dire né d’hier. Le mouvement ascensionnel de la côte et le colmatage naturel ne paraissent pas devoir s’arrêter et font gagner à la terre une trentaine d’hectares environ par an. On peut donc prévoir l’époque géologiquement prochaine, — quelques siècles seulement, — où l’anse de l’Aiguillon sera tout à fait comblée, et l’ancien golfe navigable du Poitou entièrement converti en polders et watteringues, semblables à ceux de la Flandre et de la Hollande.

Cette transformation est sans doute due à l’action double et contraire de la mer, qui a ruiné les anciennes falaises, émoussé tous les promontoires, toutes les saillies de la côte, réduit en graviers, en sable et en limons tous les rochers contre lesquels venaient briser ses vagues, et employé les produits de cette immense désagrégation et tous les apports échoués par les fleuves, à remblayer tous les golfes, toutes les baies, à combler tous les gouffres, à niveler tous les bas-fonds. Mais ce travail de la mer à lui seul n’aurait pu produire en si peu de temps d’aussi prodigieux