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La légende a sa bonne part dans tout ce qui se rapporte à cette ville un peu problématique, aujourd’hui complètement disparue. Les murs d’Antioche ont peut-être été détruits à la suite d’une série de tempêtes dont il est difficile de dire les dates et qui auraient peut-être coïncidé avec quelques brusques affaissemens du sol ; mais il faut en rabattre beaucoup des récits de pêcheurs qui racontent que, dans certains jours de calme exceptionnel, on peut voir encore sous les eaux transparentes les ruines des maisons englouties. On n’a en réalité rien retrouvé et peut-être même rien vu ; mais la légende a été assez forte pour donner au pertuis qui sépare l’île de Ré et celle d’Oléron le nom de la ville perdue, et il est intéressant de le conserver. Ce qui est certain, c’est que lorsqu’on met le pied sur l’étroite langue de terre qui sépare la « mer sauvage » de la petite mer du Fier d’Ars, qui s’ouvre sur le pertuis Breton, on peut très bien se rendre compte de l’extrême fragilité de la soudure. Le sol semble frémir sous le choc des vagues des deux mers qui vont à la rencontre l’une de l’autre ; et, à la suite de quelque cataclysme, l’île de Ré pourrait très bien être coupée en deux, comme elle a dû l’être certainement plusieurs fois dans la durée des temps historiques.

Le mouvement commercial de l’île est assez considérable : 200 000 tonnes de jauge, dont près de moitié en tonneaux effectifs.

Comme l’île d’Oléron, l’île de Ré n’a été autrefois qu’une grande saillie péninsulaire adhérente à la côte, et il est même très probable qu’elle n’en a été séparée que quelques siècles plus tard que sa voisine. Les géographes classiques qui mentionnent en effet Oléron comme une île, sont absolument muets sur l’île de Ré, et il est vraisemblable qu’ils n’auraient pas manqué d’en parler si elle n’avait pas déjà fait à leur époque partie intégrante du continent. On y trouve d’ailleurs en abondance des médailles ; on y a découvert un cimetière gallo-romain, et des tombes celtiques ont été exhumées à plusieurs reprises sous les dunes. C’était donc un territoire habité d’une manière normale au commencement de notre ère. Mais les premières mentions historiques de l’île de Ré ne datent que du VIIIe et du IXe siècle ; l’auteur des Annales de Metz et l’anonyme de Ravenne la désignent sous le nom de Ralis insula[1].

Il est non moins douteux que les îles minuscules d’Aix et de

  1. Dr Kemmerer, l’Ile de Ré depuis les premiers temps historiques jusqu’à nos jours, 1868.