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III

L’île de Ré est séparée de l’île d’Oléron et du continent par deux petits bras de mer, le pertuis d’Antioche et le pertuis Breton, tous deux d’une largeur d’une dizaine de kilomètres. Elle a la même orientation que l’île d’Oléron, du Sud-Est au Nord-Ouest, et à : peu près la même longueur, 24 kilomètres environ si l’on ne tient pas compte des écueils sous-marins qui la prolongent assez loin au Nord ; mais sa largeur, très variable, n’est que de 4 à 5 kilomètres en moyenne, et ses contours sont très capricieux. Le petit territoire de Ré n’a guère qu’une superficie de 7 000 hectares, dont plus de la moitié en nature de dunes, de rochers ou de marais, entretient une population laborieuse de près de 15 000 marins, saliniers ou agriculteurs, soit quatre fois plus que la moyenne du reste de la France. L’île n’est pas d’un seul morceau. C’est la réunion de plusieurs massifs de terrain jurassique, de même nature que les roches de la côte d’Aunis qui lui fait face, formant deux groupes principaux, l’un au Nord, l’autre au Sud, reliés entre eux par des alluvions marines. L’aspect est celui de deux îles distinctes soudées par une étroite langue de terre qu’on appelle le Martray et qui a à peine 70 mètres de largeur. Au Sud de l’île, les vagues de l’Océan viennent presque toujours briser avec violence contre des rochers à fleur d’eau ; la côte est déserte, presque sans abri, les mouillages dangereux ; c’est bien la « mer sauvage. » Au Nord la rive est plus adoucie, et offre des rades profondes et assez sûres qui donnent sur le pertuis Breton, ainsi nommé parce que c’est la route ordinairement suivie par les bateaux qui naviguent dans les eaux de la Charente pour se rendre en Bretagne.

A l’extrémité de l’île, entouré de roches sous-marines qui se prolongent en mer à plus de 4 kilomètres, se dresse majestueusement le phare des Baleines, l’un des plus beaux de notre littoral, véritable merveille de l’art moderne, dont les scintillemens électriques ont une portée de plus de 25 milles marins. C’est au milieu des « platins » noyés ou couverts d’écume de la « mer sauvage, » non loin des écueils dangereux de Chanchardon, dans cette partie de l’île réduite aujourd’hui à un mince lido de sable et qui serait emportée certainement après chaque tempête sans les digues qui la protègent, que l’on se plaît à rétablir l’ancienne cité d’Antioche, dont le nom rappelle le souvenir des croisades.