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II

Nous avons dit que toute cette côte se soulevait depuis longtemps. Le bras de mer qui sépare l’île d’Oléron de la péninsule d’Arvert a à peine 500 mètres de largeur au moment des plus basses mers ; et, si l’on en croit de vieilles traditions, c’était au XIVe siècle un simple fossé, que l’on pouvait franchir assez facilement et qui ne donnait passage à aucun navire. Le fossé s’est élargi et approfondi peu à peu sous l’action des vagues et des courans ; quatre siècles plus tard, il permettait aux bateaux de 40 tonneaux de s’y engager. En 1810, les vaisseaux de ligne pouvaient y passer pendant les hautes mers ; aujourd’hui, il présente encore une profondeur de 2 à 3 mètres au plus bas étiage, et lorsqu’il est plein, sa largeur varie de 2 à 3 kilomètres.

En fait, l’île d’Oléron n’est qu’un long promontoire qui a été brusquement détaché du continent à une époque très incertaine qu’il est historiquement difficile de préciser, mais qui ne remonte certainement pas au-delà de notre période actuelle. Ses collines de dunes ne forment avec celles de la côte qu’une seule chaîne interrompue par un chenal relativement récent. C’est le prolongement géologique des plages de la Tremblade et de la péninsule d’Arvert. Mais on ignore l’époque exacte de la coupure. On sait cependant que l’île existait à l’époque romaine. Pline l’appelle Uliarus, Sidoine Apollinaire, Olariensis insula ; et ce dernier paraît même avoir apprécié les petits lièvres qu’on chassait dans ses bois[1]. Un nombre considérable de chartes du XIe et du XIIe siècle en font aussi mention, et il paraît en résulter qu’elle était alors beaucoup plus rapprochée de la terre que de nos jours. Bernard Palissy dit même que de son temps, c’est-à-dire au XVIe siècle, les habitans du pays prétendaient « avoir passé autrefois de l’isle d’Arvert en l’isle d’Oléron, en ayant mis seulement une teste de cheval ou de bœuf à ce petit fossé ou autrement petit bras de mer qui joignoit des deux bouts à la grande mer. » Dans une discussion soulevée entre le seigneur de Pons et Philippe de Valois, en 1335, pour préciser les limites de leurs domaines, on peut lire la déposition d’un nombre considérable de riverains qui affirment avoir franchi dans leur enfance, d’un saut

  1. In Aquitanico sinu, Uliarus. Plin., IV, XXXIII, 2. Olarionenses lepusculi… Sid Apoll., Epist., VIII, VI.