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même ! Nous voulons montrer le contraire, nous voulons montrer que ceux qui parlent ainsi ou ne les connaissent point ou connaissent seulement quelques pages d’ouvrages didactiques élémentaires, de manuels de concours. Là il peut y avoir non seulement sécheresse, mais encore obscurité profonde si le guide qui nous fait pénétrer dans le désert ne nous a pas prévenu qu’il a en vue une oasis fertile et belle. Mais n’en est-il pas de même partout, et le jeune pianiste n’éprouverait-il pas un mortel ennui à faire des gammes si on ne lui montrait pas, au bout de ce labeur ingrat, l’exécution des plus beaux morceaux de musique ?

Nous voulons donc combattre un préjugé, mais nous sentons toute la difficulté de notre entreprise. Si, en effet, un homme cultivé, sans être aucunement spécialiste, peut acquérir assez facilement une notion exacte de la marche des sciences naturelles, par exemple ; au contraire il est difficile, pour un esprit dépourvu de formation mathématique, de se rendre compte, même de très loin, des évolutions et des résultats présens de cette science aux branches multiples. N’a-t-elle pas, en effet, un langage tout spécial, des mots qui lui sont propres ; et les mots du langage ordinaire qu’elle utilise, ne leur a-t-elle pas donné souvent un sens extrêmement éloigné de l’acception courante ? N’emploie-t-elle pas aussi des signes nombreux, des symboles d’une très grande puissance ? Et ce langage et ces symboles correspondent à un certain nombre de notions fondamentales auxquelles le mathématicien doit être habitué par un long et opiniâtre labeur, par de profondes méditations. Le mathématicien est donc, par ses conceptions et ses préoccupations habituelles, très éloigné des idées ordinaires d’un chacun. Mais si nous ne donnions pas quelque aperçu de ces concepts, si nous ne montrions pas au moins quelques-unes des parties saillantes du contour de notre objet, comment en dépeindre les caractères si méconnus, nous le répétons, et si dignes, à nos yeux, d’être mis en pleine lumière ?

Ainsi nous demandons la permission de parcourir d’abord rapidement le domaine exploré par les géomètres, — on emploie souvent cette désignation spéciale pour celle plus générale de mathématicien, — et nous glanerons un peu, ça et là, dans ce qui sera le plus abordable. Puis, et c’est notre principal but, laissant de côté les autres caractères de la mathématique, nous montrerons son caractère hautement esthétique.

Nous serions heureux si quelques « profanes » voulaient bien