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entretien au Président du Comité et lui soumit la requête suivante : « J’ai reçu hier un tel affront qu’il m’est impossible de me représenter ainsi devant mes cliens et mes subordonnés. J’ai « perdu la face. » En conséquence, il me faut cent yens d’indemnité. Sur ces cent yens, j’en distribuerai cinquante à mes hommes qui laveront dans le saké l’injure faite à leur maître, et j’en garderai cinquante pour acheter une geisha… »

De retour à Mayebashi, je pris congé de M. Kumé, dont l’amabilité délicate ne s’était pas un instant démentie, et qui voulait encore me retenir. Igarashi et Mikata m’accompagnèrent à la gare.


Il me souvenait d’avoir vu jadis sur la route de Paimpol une auberge bretonne qui avait inscrit au-dessus de sa porte en grosses lettres noires les mots extraordinaires : A l’Instar. À l’instar de qui ? À l’instar de quoi ? Personne ne le savait, ni ne le sut jamais, pas même son propriétaire. Et, pendant que le train m’emportait à Tokyo, ces grosses lettres me revenaient à la mémoire, me hantaient les yeux, résumaient pour moi les impressions de ces trois derniers jours. Sur ce vieux Japon, dont un rare mélange de raffinement et de rusticité fait, je crois, tout le mystère, sur sa façade pittoresque, un peu caduque, mais que parfument et décorent si joliment ses bouchons fleuris, les politiciens modernes avaient, d’un pinceau promené dans le goudron des grands navires européens, barbouillé cette enseigne déconcertante mais tout de même juste : A l’Instar.


ANDRE BELLESSORT.