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d’inquiétude. Il est impossible, pour peu qu’on mette le pied hors de France, de ne pas constater par toute la terre les fluctuations de nos méthodes et le recul de notre action. C’est simple affaire de statistique de compter à Singapore, à Colombo, à Hong-Kong, à Zanzibar, les maisons nouvelles qui s’ouvrent d’une année à l’autre et de constater qu’elles ne sont pas françaises. La vie du dehors aussi nous apporte nos heures de doute et d’angoisse. Mais après cette part, qu’il est sage de faire très large, au pessimisme, ouvrons la porte aux espoirs réconfortans en constatant, sur tous les champs du monde, la valeur persistante, sinon croissante du Français individu. Quels que soient les obstacles apportés à chaque pas à son développement et à son initiative, il est toujours là. Chez tous, colons, administrateurs, soldats, missionnaires, c’est là même endurance, le même ressort, le même rebondissement sous la mauvaise fortune, la même belle humeur. Ah ! la belle pâte d’hommes !

A l’un des derniers repas officiels que nous fîmes à Madagascar, un consul étranger, notre voisin, nous demanda de qui était le charmant dessin qui illustrait notre « menu. » « C’est l’œuvre d’un sous-officier. — Ils font donc tout, vos sous-officiers ! Je les ai vus contremaîtres, instituteurs, agronomes, guerriers, ils sont donc bons à tout ! »

Oui, ils sont bons à tout et tous les autres aussi, soldats, colons, qui portent par le monde les inépuisables ressources de notre race. Attachés à l’œuvre locale, dégagés des mauvais bruits de la métropole, exaltés par le résultat immédiat de l’action directe, par la responsabilité du commandement, ils sont tous des hommes de devoir actif et précis. Et s’il n’y avait pas tant de raisons d’un autre ordre, c’en serait déjà une pour donner sa foi à l’œuvre coloniale, cette incomparable pépinière d’énergies et de volontés qui ne peuvent pas être un capital perdu.


LIEUTENANT-COLONEL LYAUTEY.