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nation affranchie sa constitution définitive. Il fut seulement déclaré d’avance que les provinces détachées de la Hollande formeraient un État indépendant. Rien ne fut préjugé sur la forme qui serait donnée à cette organisation indépendante, ni sur le chef qui y présiderait, soit que l’on eût pu craindre que quelque dissentiment prématuré ne s’élevât à cet égard, soit plutôt qu’un mot de plus eût paru atténuer l’autorité d’une formule qui devait rester brève pour être impérative.

Mais peu importe, le sort en était jeté : l’Europe avait désormais en face d’elle une révolution de plus à enregistrer ou à combattre. C’est ce que deux membres du gouvernement provisoire, envoyés, M. Vandeweyer à Londres et M. Gendehien à Paris, furent chargés de lui notifier.

Quelque diligence que fissent ces députés, ils ne pouvaient se mettre en route plus tôt que les courriers du roi des Pays-Bas, chargés par lui de porter non seulement à Londres, mais à Berlin, à Vienne et à Pétersbourg, la demande de l’envoi immédiat d’une force militaire à l’effet de faire rentrer dans l’ordre la partie de son double royaume qu’il devait considérer comme perdue. Les Mémoires de Metternich nous apprennent qu’à cette dépêche circulaire était jointe une note privée, avertissait l’Autriche que, si on s’adressait à elle comme aux autres puissances, c’était pour ne faire aucune distinction entre les Alliés, mais qu’on comprenait bien que sa positionne lui permettait pas de donner un concours matériel aussi rapidement que les circonstances l’exigeraient. Ce dut être vrai également, et à plus forte raison, de toute démonstration qu’on aurait pu attendre de la Russie, de sorte qu’en réalité l’invitation, ou pour mieux dire la sommation n’allait qu’à l’adresse de la Prusse et de l’Angleterre[1].

Guillaume était-il informé que ces deux puissances étaient précisément celles qui, en face d’un trône renversé à Paris, venaient de se montrer les plus pressées de se détacher de la solidarité de la cause monarchique ? et, connaissant cet état de leur esprit, y avait-il quelque malice secrète à leur rappeler que c’était pourtant à elles principalement qu’il appartenait de lui prêter le secours qu’il se croyait en droit d’attendre ? Je l’ignore, mais on serait tenté de le croire. En tout cas, il disait vrai et frappait juste, s’il affirmait que c’étaient elles, plus que toutes autres, qui étaient

  1. Mémoires de Metternich, t. V. p. 43.