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au tragique. Néanmoins le procès dure, il se prolonge : on annonce sa fin prochaine ; mais nul ne peut prévoir avec certitude à quel moment elle arrivera. En attendant, le ministère dure bien aussi, il se prolonge ; mais si nul ne peut dire à quel moment sonnera son heure dernière, tout porte à croire qu’elle ne sera pas très éloignée de celui où la Haute-Cour aura rendu son arrêt.

Quant aux projets de loi qu’il a présentés, nous nous demandons si ce n’est pas perdre notre temps que de les discuter comme des conceptions destinées à éclore : peut-être n’y a-t-il là que de simples manifestations parlementaires. Ce sont des lois parfaitement mauvaises en elles-mêmes et contraires à tous les principes. Il faut excepter la loi sur les syndicats professionnels : celle-là survivra sans doute au ministère, et, après avoir subi quelques modifications, elle pourra servir de thème à des discussions utiles. Nous souhaitons sincèrement qu’elle aboutisse et même qu’elle serve, sur quelques points, de modèle à la loi qui reste à faire sur les associations. Cette loi, promise depuis si longtemps, n’a sûrement pas fait un progrès par suite du projet déposé par le ministère. On ne fera jamais une loi sur les associations en général que si on en distrait les congrégations religieuses, qui sont quelque chose de très différent : or, le projet ministériel semble avoir eu beaucoup plus pour objet de condamner doctrinalement les congrégations religieuses que d’autoriser et d’organiser pratiquement les associations de droit commun. Quant au projet relatif à l’enseignement, tout porte à espérer qu’on n’en parlera bientôt plus. Il y a une commission de renseignement, présidée par M. Ribot ; c’est sur elle qu’il faut compter pour faire une véritable réforme. Elle l’a étudiée en se plaçant, non pas au point de vue de nos haines politiques et de nos querelles d’un jour, mais de l’intérêt permanent de notre enseignement national. L’inspiration du projet ministériel est tout autre, et c’est pour cela que le projet lui-même ne saurait se soutenir.

Que restera-t-il donc de toutes ces tentatives du gouvernement, lorsque lui-même aura été balayé ? Il ne faut pas être trop optimiste : un grand mal a été fait et les traces en seront durables. On ne sème pas impunément à pleines mains des germes de haine et de discorde. Tout ce bagage législatif sera emporté par le coup de vent qui emportera le ministère, et qui n’aura pas besoin pour cela d’être bien fort. Mais il restera, dans le souvenir des radicaux et des socialistes, l’idée que le pouvoir n’est plus pour eux inaccessible, et qu’ils doivent en tout cas exercer sur lui une influence de plus en plus prépondé-