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plus, une critique de la solennité et de la pompe que l’on a reprochées au style de Buffon. Voltaire avait d’autres raisons, que ce n’est pas le lieu d’examiner ici, de s’en prendre à Buffon, ne fût-ce que l’amitié du grand naturaliste pour le président de Brosses, et sa longue persévérance à soutenir à l’Académie française sa candidature que d’ailleurs Voltaire faisait échouer régulièrement.

D’Alembert n’aimait pas Buffon, ni sa personne ni son talent. Il ne l’appelait que « le grand phrasier, le roi des phrasiers… » « Ne me parlez pas de votre Buffon, disait-il à Rivarol, qui au lieu de nommer simplement le cheval, s’écrie : « La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite, est celle de ce fier et fougueux animal… » Oui, comme ce sot de Jean-Baptiste Rousseau, riposta Rivarol, qui au lieu de dire : « De l’Est à l’Ouest » s’écrie :

Des bords sacrés où naît l’aurore
Aux bords enflammés du couchant.

Montesquieu, au moment de l’apparition des trois premiers volumes, écrit à Ceruti : « M. de Buffon a, parmi les savans de ce pays-ci, un très grand nombre d’ennemis, et la voix prépondérante des savans emportera, à ce que je crois, la balance pour bien du temps. Pour moi, qui y trouve de belles choses, j’attendrai avec tranquillité et modestie la décision des savans étrangers. Je n’ai pourtant vu personne à qui je n’aie entendu dire qu’il y avait beaucoup d’utilité à le lire. »

Diderot fait exception. Il eut des rapports plus étroits avec Buffon et, sauf une ou deux circonstances où il donna cours à sa malice, il le traitait avec la plus grande considération.

On a plusieurs fois reproduit un long passage des mémoires de Marmontel qui se rapporte à Buffon. Nous n’en voulons extraire que quelques lignes, qui justifient bien notre thèse : « … Il avait, écrit Marmontel, le chagrin de voir que les mathématiciens, les chimistes, les astronomes, ne lui accordaient qu’un rang très inférieur parmi eux ; que les naturalistes eux-mêmes étaient peu disposés à le mettre à leur tête ; et quelques-uns même lui reprochaient d’avoir fastueusement écrit dans un genre qui ne voulait qu’un style simple et naturel. »

Il y avait une autre raison à la malveillance des encyclopédistes, qui voyaient la publication de l’Histoire naturelle s’avancer au milieu de la persécution suscitée à la philosophie. Buffon s’en