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un essai d’arithmétique morale, qui n’est autre chose qu’une application de ce calcul, dont on peut dire, sans vouloir en apprécier le fond, qu’il est écrit dans la plus sobre, la plus précise et la plus belle langue mathématique. Il avait traduit en français, en 1740, le Traité des Fluxions de Newton, et ce fut là l’occasion d’une discussion avec le célèbre géomètre Clairaut, dans laquelle il eut l’avantage[1]. Clairaut, en effet, avait attaqué Newton et ses commentateurs au sujet du mouvement de l’apogée de la lune. Buffon, qui était visé, se défendit et, en définitive, d’une manière assez victorieuse pour que Clairaut se rétractât et supprimât de son mémoire les parties qui attaquaient directement les commentateurs.

Buffon n’a pas montré moins d’activité dans le domaine de la Physique. On connaît de lui treize ou quatorze mémoires qui se rattachent à différens chapitres de cette science, et dont la plupart furent lus à l’Académie des Sciences. On peut citer particulièrement celui qui a pour objet la propagation de la chaleur dans les différens corps, travail auquel un illustre mathématicien, Fourier, qui a appliqué le calcul à la solution de ce problème, aimait à rendre justice. Un autre encore, qui n’est pas sans mérite, roulait sur les couleurs accidentelles et les ombres colorées. Il a exécuté et fait exécuter, dans ses hauts fourneaux de Buffon, une longue série d’expériences sur les propriétés du fer, sa ténacité, et sur sa métallurgie. Dans un autre ordre d’idées, on lui doit des recherches sur la force du bois et sur les moyens d’en augmenter la résistance et la durée. Il a publié enfin, en collaboration avec son confrère Duhamel du Monceau, inspecteur de la marine et très savant agronome, un mémoire sur la croissance du bois, et des observations sur les différens effets que produisent sur les végétaux les grandes gelées de l’hiver et les petites gelées du printemps.

Il faut faire une place spéciale, dans cette énumération des travaux de Buffon, à des expériences très célèbres sur les miroirs ardens.

  1. Un de nos grands géomètres a prétendu que la quantité absolue du mouvement de l’apogée ne pouvait pas se tirer de la théorie de la gravitation telle qu’elle est établie par Newton, parce qu’en employant les lois de cette théorie on trouve que ce mouvement ne devait s’achever qu’en dix-huit ans au lieu qu’il s’achève en neuf ans. — Clairaut propose d’ajouter un terme à la loi de l’attraction. Buffon combat cette manière de voir — et fournit plus tard une démonstration qui ne laisse pas de doute. (Introduction à l’Histoire des Minéraux, supplément 1774.)