Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

atteinte, si les circonstances l’amenaient à soutenir une guerre contre l’Angleterre. La seule idée qu’il lui serait alors impossible de correspondre avec ses colonies et avec ses escadres en Orient et en Afrique éveille une poignante inquiétude.

Par quels moyens peut-on modifier cet état de choses ? Quelles mesures est-il encore possible de prendre ? Ces questions paraissent aujourd’hui de la plus pressante actualité. Elles ont surgi tout à coup devant l’opinion qui, surprise par la découverte d’une insuffisance nouvelle dans nos moyens de défense, n’est pas loin d’accuser nos pouvoirs publics d’imprévoyance.

Il est inutile de reprendre l’historique des tentatives faites, depuis une vingtaine d’années, pour constituer des réseaux télégraphiques français. Sauf la création du réseau qui relie maintenant la France aux États-Unis et à ses possessions américaines, elles ont toutes échoué lamentablement et ne fourniraient qu’une preuve de plus de l’ignorance où nous avons été de nos intérêts.

Quelques petits câbles ont cependant été immergés : entre Majunga et Mozambique, pour Madagascar[1] ; entre Nouméa et la côte Australienne pour la Nouvelle-Calédonie ; entre Saigon et Haïphong, pour le Tonkin ; entre les Canaries et Saint-Louis, pour le Sénégal ; enfin, entre Obock et l’île de Périm pour notre possession de la Mer-Rouge. Ces petits câbles, dont les plus importans sont exploités par des compagnies anglaises que nous subventionnons, aboutissent tous à des lignes anglaises et n’en sont en réalité que de simples annexes.

On doit d’autant mieux signaler cette situation qu’elle est le résultat d’une erreur, qui a dominé jusqu’à présent ce qu’on a voulu appeler déjà notre « politique des câbles, » et qui hante encore certains esprits. Afin de remettre au lendemain certaines charges budgétaires inévitables si l’on a quelque souci de l’avenir du pays, on a préféré les demi-mesures, si habituelles en France, en posant aux quatre coins du monde de petits bouts de câbles pour relier certaines de nos colonies au réseau télégraphique général. On oubliait que ce réseau appartient en fait aux compagnies anglaises, à qui l’on a confié jusqu’au soin déposer et d’exploiter certains de ces câbles. Celles-ci, heureuses de l’aubaine, reçoivent les subventions françaises et tirent tout le bénéfice de

  1. Câble posé hâtivement, au moment où la guerre éclatait, pour relier Madagascar à la France, par les lignes anglaises aboutissant à Mozambique.