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On se plaît quelquefois à retrouver sur la plage voisine les débris de l’ancienne cité de Noviomagus, mentionnée par Ptolémée, mais qui, à vrai dire, n’est inscrite sur aucun itinéraire classique et dont l’emplacement restera toujours quelque peu indéterminé. Certains érudits très consciencieux ont cru qu’il fallait chercher Noviomagus sur l’écueil de Cordouan, d’autres à Lesparre, d’autres au Vieux-Soulac, où l’on a trouvé quelques ruines et un certain nombre de médailles romaines. Il en est même qui, en se promenant en bateau par un temps très calme, ont sérieusement cru apercevoir au fond des eaux des restes de tours et de maisons noyés. Mais c’est un simple effet de mirage archéologique, et on sait que les savans les plus sincères ont souvent la foi facile. Ce qui est tout à fait réel, c’est l’ensevelissement graduel par les dunes ou l’engloutissement par les flots de la plupart des constructions de la péninsule. L’ancien fortin qui faisait saillie à la pointe extrême a été un des premiers affouillé ; il s’est écroulé sur place, et on en voit encore aujourd’hui sous les eaux les débris formant une sorte d’écueil sous-marin à une distance de plusieurs centaines de mètres au large. Le phare de Grave a dû déménager à son tour plusieurs fois ; si le premier existait encore, il pourrait servir de balise en pleine mer. Le phare en est aujourd’hui à son troisième emplacement, qui sera, il faut l’espérer, grâce aux travaux très complets de fixation des dunes, son emplacement définitif.

On peut donc résumer de la manière suivante les transformations éprouvées par la péninsule du bas Médoc. Au commencement de notre ère, c’était une île, l’île d’Antros, qui se soudait à l’île de Cordouan. Toutes deux n’en faisaient en réalité qu’une, portant le même nom : île d’Antros d’abord, île du Médoc un peu plus tard. La partie la plus avancée en mer s’est bientôt détachée et a formé pendant un certain temps une île isolée d’une assez grande superficie ; cette île a été l’île de Cordouan. A la fin du XVIe siècle, elle portait un véritable village et plusieurs constructions disséminées ; elle n’était séparée de l’île du Médoc que par un chenal très étroit et très peu profond. A marée basse, on communiquait à gué entre les deux îles. Le chenal s’est peu à peu élargi et approfondi et est devenu un véritable bras de mer. Au milieu du XVIIe siècle, sa largeur était déjà de cinq kilomètres ; elle n’a cessé d’augmenter ; elle est aujourd’hui de plus de huit. L’île