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y avait-il des arrangemens sur quelques objets limités, mais d’alliance point, ni rien qui y ressemblât. Les journaux allemands et les américains ont traité M. Chamberlain avec une véritable rudesse, et ils ont repoussé toute idée d’alliance dans les termes les moins obligeans : à travers son ministre des Colonies, l’Angleterre elle-même était atteinte, ou du moins effleurée. Bien plus : quelques jours après, M. Mac Kinley publiait un Message, et, en parlant de l’Angleterre, il s’exprimait avec une réserve qui n’était pas exempte de froideur, qualifiant de regrettable la guerre du Transvaal, et affirmant que les États-Unis observaient une neutralité absolue entre les belligérans. Ce n’est pas l’altitude que l’Angleterre, et que M. Chamberlain, dans son discours, se vantaient, à tort d’ailleurs, d’avoir eue à l’égard de l’Amérique pendant sa guerre contre l’Espagne. Enfin M. Mac Kinley avait choisi le passage consacré à l’Angleterre pour déclarer que son gouvernement s’était abstenu avec soin de toute alliance qui aurait pu devenir embarrassante. Il est probable que cette partie du Message a été remaniée après le discours de Leicester, et qu’elle y fait une réponse indirecte. Si on passe à l’Allemagne, le ton officiel n’y est pas plus chaud. M. le comte de Bulow vient de prononcer au Reichstag un discours dans lequel, à propos des armemens maritimes en projet, il parle des rapports de l’Empire avec toutes les puissances. Les expressions dont il se sert à l’égard de la France sont courtoises. A l’égard de la Russie, elles sont amicales. « Quant à l’Angleterre, dit-il, nous sommes tout disposés à vivre en paix et en bonne intelligence avec elle, en prenant pour base de nos rapports une exacte réciprocité et des égards réciproques. » C’est peu, et nous voilà bien loin de l’alliance si bruyamment annoncée ! L’amour-propre de nos voisins a été très sensible à ce que, dans un autre temps et venant d’un autre côté, ils auraient qualifié de coups d’épingle, et M. Chamberlain a été assez malmené pour avoir exposé son pays jà cette épreuve.

A parler franchement, ce n’est pas le premier discours très maladroit que prononce M. Chamberlain ; mais autrefois on s’en apercevait moins. On ne le voyait pas, on ne voulait pas le voir. Il semble aujourd’hui que certaines illusions se dissipent ou tombent, et que l’homme, dépourvu du prestige qui l’entourait, apparaisse à son désavantage. Nous ne sommes pas sûrs que le discours de Leicester aurait produit la même impression, s’il avait été prononcé trois mois plus tôt, et, dans ce cas, certainement, lord Rosebery n’y aurait pas fait la réplique qu’il y a faite, car lui aussi recherche la popularité. Elle est fort habile, cette réplique, et, venant d’un homme doué au point où