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temps vécu. Il est donc très probable, pour ne pas dire certain, que les premiers habitans de la terre d’Aquitaine, Ibères, Basques, Gaulois, qu’ils fussent autochtones ou qu’ils soient venus plus ou moins lentement de l’Orient après avoir débarqué sur les côtes de Provence et de Languedoc, traversé, en vue des Pyrénées, le faîte séparatif de la Méditerranée et de l’Océan et descendu ensuite les vallées de l’Adour et de la Garonne, ont trouvé un pays et une côte boisés et ont eu la sagesse de les respecter et d’en jouir en paix. La dévastation a été en réalité l’œuvre du moyen âge, et en plantant ou semant, depuis un siècle, des forêts sur nos dunes, nous n’avons fait que reconstituer l’ancien état des lieux.

À tous les points de vue, le littoral landais devait donc présenter, il y a plusieurs siècles, un aspect plus satisfaisant que pendant la plus grande partie des temps modernes. Au lieu d’une plage nue, déserte et stérile, une série de petits golfes entourés de collines boisées pouvait offrir un précieux secours en cas de tempête, un abri et un mouillage par tous les temps. On comprend dès lors très bien que cette côte de Gascogne, devenue depuis si inhospitalière, ait pu être autrefois fréquentée par les bateaux phéniciens qui, pour se rendre aux îles Cassitérides à la recherche de l’étain, l’un des principaux élémens de leur commerce, traversaient le détroit de Gadès, suivaient les côtes de la Bétique, de la Gaule et de la Bretagne, perdant le moins possible la terre de vue, prêts à relâcher en cas d’alerte dans les moindres ports échelonnés sur leur route. Quels qu’aient été leur hardiesse et leur attrait pour les choses de la mer, de pareils voyages eussent été bien souvent impossibles, si la côte n’avait été dentelée, festonnée en quelque sorte comme celle de la Ligurie. Malgré les progrès de la navigation, la traversée du golfe de Gascogne est toujours fort dure et présente, même encore aujourd’hui, de sérieux dangers ; et il ne faut rien moins que les cinq phares de grand atterrage de Biarritz, de Contis, d’Arcachon, d’Hourtin et de Cordouan, dont les feux s’entre-croisent deux à deux à plus de 20 kilomètres de la côte, pour éviter des naufrages pendant les nuits de tempête. Cette ceinture lumineuse est en réalité le seul avantage que présente la côte moderne sur la côte ancienne ; mais les conditions d’atterrage sont aujourd’hui plus mauvaises. Les anciens golfes d’Osségor, de Blanc, de Soustons, de Lit, de Saint-Julien, de Léon, de Contis, d’Aureilhan, de Parentis, de Biscarosse, de Sanguinet, de Cazeau, de Lacanau, de Carcans et d’Hourtin, pour