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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

minent son arrêt temporaire, et par suite la naissance d’une butte ou d’un petit monticule. Des millions et des millions de molécules de sable escaladent sans cesse ces premières ondulations, en augmentent peu à peu la masse et la hauteur, et les transforment en de véritables collines. Ces collines sont bientôt surmontées par une sorte de corniche, qui ne tarde pas elle-même à s’effondrer. Le sable en gravit sans relâche les talus du côté de l’Océan, suivant une pente assez douce, et s’éboule au contraire sur la pente beaucoup plus raide du côté opposé ; et le résultat de cette action mécanique continue est un déplacement progressif de la dune, qui n’est en réalité qu’une montagne mobile.

Le premier travail de la mer a été de fermer par des cordons littoraux les anciennes baies qui découpaient le rivage et se sont transformées peu à peu en étangs, dont la communication avec le grand réservoir océanique s’est graduellement rétrécie. Les dunes ont ensuite élevé leur rempart ; et ce rempart, mobile comme il vient d’être dit, a fatalement gagné sur les terres de l’intérieur, recouvrant tout sur leur redoutable passage. Aucune barrière n’a pu, pendant longtemps, résister à l’énorme poussée de ces sables mouvans. Les étangs refoulés par les dunes ont lentement gravi le pente du continent, noyant les terres, les maisons et les villages ; et ils se trouvent aujourd’hui à un niveau sensiblement plus élevé que celui de l’Océan. Parfois même ils ont été recouverts par une fine couche de sable formant une sorte de plancher temporaire, surface trompeuse d’herbes, de mousses et même de fleurs qu’on appelle des « blouses, » ou, d’un nom plus expressif encore, des « trembleyres » ou prairies tremblantes sur lesquelles il a été longtemps dangereux de s’aventurer.

Dans toute la région littorale, au pied même de dunes récemment fixées et couvertes aujourd’hui par de jeunes forêts de pins maritimes, c’est par centaines que l’on peut compter les habitations humaines qui ont dû être ainsi abandonnées, et que le sable a pour toujours englouties. Des villages entiers ont disparu et ne reverront plus le jour. En plusieurs endroits, il suffirait de gratter légèrement la terre pour retrouver la pointe d’un clocher. Sainte-Eulalie, Lège, le Vieux-Boucau sont en partie ensevelis ; le port de Mimizan est comblé ; l’ancien village dort depuis plus d’un siècle sous la dune d’Udos, et le nouveau a été plusieurs fois menacé ; il ne doit son salut qu’aux semis de pins dont les racines tiennent pour ainsi dire le sable entre leurs griffes, et bien