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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

grand’chose ; mais on sait que ce Joaris était le port principal des marins basques au commencement du XVe siècle, et que ces marins paraissent avoir connu dès cette époque, c’est-à-dire avant les découvertes de Christophe Colomb, les principaux bancs de Terre-Neuve et une partie de l’Amérique du Nord. Des lettres patentes de François Ier, datées de 1539, nous apprennent que, dans la guerre qu’il engagea contre l’Espagne, Saint-Jean-de-Luz arma de véritables escadrilles, pourvues de canons, et battant les mers les plus lointaines connues à cette époque. Sous le règne de Henri IV, on considérait la rade qui s’ouvre entre les pointes du Socoa et de Sainte-Barbe comme la plus commode et la meilleure du pays pour l’établissement d’un port maritime. Depuis que les baleines, chassées du golfe cantabrique, s’étaient réfugiées vers les côtes d’Islande et du Spitzberg, les armemens baleiniers et terre-neuviers équipés à Saint-Jean-de-Luz avaient pris une extension considérable et ne comptaient pas moins de 80 bâtimens de haut bord montés par 3 000 matelots. La population totale s’élevait alors à près de 15 000 habitans. Les chantiers établis sur la Nivelle, qui débouche au fond de la baie, construisaient sous Louis XIII des navires de plus de 300 tonneaux ; et lorsque l’île de Ré fut bloquée, en 1627, par les Anglais, Richelieu en fit armer une cinquantaine pour venir la ravitailler. Louis XIV, enfin, y célébrait en grande pompe son mariage avec l’infante Marie-Thérèse d’Espagne. La ville était alors une des plus riches du pays basque. Fière d’avoir hébergé son roi, qui avait dû remiser ses équipages à Bayonne, elle appelait dédaigneusement sa voisine « les écuries de Saint-Jean-de-Luz. » Ce fut l’apogée, que suivit, hélas ! une rapide décadence.

Il existe peu de parages sur les côtes de l’Océan où la mer soit à de certains jours plus terrible que dans le golfe de Gascogne. Les deux longs alignemens de la côte d’Espagne et de la côte de France, qui ont l’un et l’autre plus de 400 kilomètres de développement rectiligne, et se rencontrent presque à angle droit, accumulent au fond du golfe les vagues poussées par tous les vents, à l’exception de ceux du Sud-Est et de l’Est. La houle soulevée dans les grandes profondeurs de l’Océan s’y engouffre, après un parcours de 1 000 lieues, comme dans un immense entonnoir et vient battre les falaises de la côte avec la violence, le bruit de tonnerre, et la puissance d’ébranlement des explosions de mine. Dans les jours de tempête, les lames surélevées, dès qu’elles attei-