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sa force de travail, il le nourrissait encore dans sa vieillesse, en souvenir des services rendus. L’ouvrier moderne est exposé au tourment des prévisions économiques, à l’insécurité de l’avenir, à une vieillesse lugubre, qui ne lui laisse d’autre perspective que de mourir de privations sur son grabat. Rien de semblable ne se voyait à Montceau ni à Blanzy. Par tradition de famille, conscience personnelle, souci de l’accomplissement des devoirs sociaux, les directeurs de la Compagnie de Blanzy, M. Chagot, puis M. de Gournay, suivaient, assistaient l’ouvrier de sa naissance à sa mort. Ils pourvoyaient à l’éducation, à l’instruction des enfans. Le travail dans la mine n’est jamais régulier : la nature de la production, les conditions du marché, l’inégalité de l’emploi de la houille, selon les saisons, exposent le mineur à des chômages. On avait remédié à cet état de choses. De vastes ateliers de vannerie, de tissage, avaient été créés pour occuper les femmes. La force électrique devait être distribuée à domicile, afin de permettre à la femme de travailler, sans déserter son foyer. Les frais de tant d’établissemens étaient prélevés sur les bénéfices des entreprises, si bien que, durant les dernières années, le dividende distribué restait stationnaire, tandis que les salaires montaient. Comme au Creusot, la meilleure entente régnait entre la direction et la population ouvrière, qui s’associait à tous les événemens de famille de chefs respectés et aimés.

Toute protection entraîne une certaine dépendance. Le patronage trop développé éveille l’esprit d’association, et, pour peu qu’il rencontre des entraves, il devient accessible au socialisme révolutionnaire. En 1882, Montceau-les-Mines avait été choisi pour théâtre des exploits anarchistes, des premiers attentats à la dynamite. C’était l’œuvre de quelques jeunes gens. La Compagnie comprit le courant irrésistible qui porte les ouvriers à se délasser de leur travail quotidien, à dépenser leur activité au dehors, à s’occuper, d’une façon indépendante, de leurs intérêts communs. Des sociétés coopératives, une société financière, la Prudence, sorte de banque populaire, étaient destinées à acheminer les ouvriers à des groupemens sur le terrain économique.

Dans le rapport de l’Enquête sur le Travail et la sécurité dans les mines fait en 1896, au nom de la commission nommée par la Chambre, par M. Lacombe, député, commission qui avait pour président M. Bovier-La pierre, et qui comprenait entre autres membres MM. Jaurès et Millerand, Montceau-les-Mines est