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LA DÉMOCRATIE INDUSTRIELLE
LES GRÈVES ET LES SYNDICATS

Nous avons essayé d’indiquer, dans un précédent article[1], l’évolution de plus en plus marquée des socialistes vers le pouvoir politique. Peu scrupuleux en matière de théories, le socialisme électoral cherche à rallier autour de sa bannière indécise tous ceux qui souffrent de l’ordre économique actuel, tous les mécontens, à quelque classe qu’ils appartiennent. Mais il y a un autre aspect du socialisme, un socialisme spécifique, syndical, celui des ouvriers organisés de l’industrie, qui forme un courant de plus en plus large, de plus en plus indépendant des meneurs politiques ; ceux-ci le suivent, bien plus qu’ils ne le dirigent. L’entrée d’un socialiste tel que M. Millerand dans un ministère républicain est un épisode plus ou moins caractéristique ou, si l’on veut, une des surprises de la politique. Les grandes grèves qui se sont succédé en France avec une rare intensité depuis quelques mois, au Creusot, à Montceau-les-Mines, dans la région du Doubs, méritent plus encore de retenir l’attention : On en comprend mieux la portée, si on les rapproche des grèves analogues qui ont éclaté dans d’autres pays : on voit alors se dessiner une tendance commune, et toute spontanée, qui ne vise à rien moins qu’à l’établissement d’un nouveau régime dans la grande industrie, à l’avènement de la démocratie industrielle.

Les foules ouvrières ne se soucient du pouvoir politique que pour atteindre la puissance économique[2]. En même temps qu’elles aspirent à régner dans l’État par le bulletin de vote, elles

  1. Voyez la Revue du 15 septembre.
  2. Voyez, dans la Revue des 15 janvier et 1er juin, les articles de M. Charles Benoist sur l’Organisation du Travail et l’Association dans la Démocratie.