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comme un défi. Loin de refroidir ses intentions, ils les surexcitaient d’autant plus que le même correspondant, dont il connaissait la sagesse et le sang-froid, tout en le suppliant de ne prendre un parti qu’après mûres réflexions, lui donnait l’assurance que les dires de Pasquier étaient fort exagérés et, en ce qui touchait les sentimens du roi, tout le contraire de la vérité.

D’autre part, on l’avisait que le centre gauche était disposé à le défendre. « Il y a là des hommes qui vous seront dévoués : Kératry que je mets en tête, Laisné, de Villelévêque, Robert, le général Fabre, Villemain. Sebastiani est à surveiller. Foy et Caumartin seront bien. Je ne vous parle pas de Camille Jordan. La question est de savoir s’il pourra se traîner à la Chambre. Je n’ai pas encore vu Courvoisier. J’augure très favorablement de Casimir Perier que je vois souvent chez Camille. On me dit que M. de Sainte-Aulaire va revenir. Villelévêque me disait hier, devant Germiny, que si le ministère entendait ses vrais intérêts, il vous appellerait pour rallier les centres. »

La situation n’était donc pas aussi mauvaise que Pasquier se plaisait à le dire, et la tentation d’aller en juger par lui-même à Paris devenait de plus en plus impérieuse dans l’esprit de Decazes.


II

Aux raisons purement politiques qui suggéraient à Decazes le désir de quitter l’Angleterre, s’en joignit bientôt une autre d’ordre privé, et tirée du mauvais état de la santé de sa femme. On a vu que, se croyant grosse, l’ambassadrice avait exprimé le désir de faire ses couches à Paris, et que ce désir transmis au roi par Decazes avait été désapprouvé parce que le roi redoutait que le retour de son ancien ministre fût considéré comme un signe avant-coureur de sa prochaine rentrée aux affaires. Depuis ce jour, la duchesse dépérissait à vue d’œil. Vint un moment où il fallut qu’elle quittât en toute hâte la campagne. Elle y était trop loin des secours médicaux. Elle rentra à Londres. C’était vers la mi-janvier 1821. Son médecin ordinaire, Bertin, à qui, de Paris, Dubois l’avait recommandée, appela successivement deux de ses confrères anglais : Baillié, l’accoucheur le plus expérimenté de Londres, et le docteur Holland, qui occupait en Angleterre, dans le monde médical, une place égale à celle que Dubois, Dupuytren et Portal occupaient en France.