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Hartwell. J’y étais lundi avant trois heures. Je vous ai presque vu sortir d’Aglisbury. Je me suis aperçu de la grimace que vous avez faite en voyant la maison du côté de l’arrivée ; ensuite, je vous ai suivi de chambre en chambre. J’ai remarqué que vous vous étiez arrêté assez longtemps dans mon cabinet, après quoi je vous ai conduit un jardin. Je ne vous ai pas fait grâce d’une laitue, et il y en a encore. Mais, obligé de repartir, je n’ai pu assistera votre dîner. Était-il bon ? Avez-vous bu du claret ? C’est certainement le meilleur vin qu’on puisse boire en Angleterre, car, dans le royaume des Anglais, les bons vins sont rares. »

Hartwell parut horriblement triste aux visiteurs.

« C’est un vieux château qui n’est pourtant pas gothique, dit la duchesse dans ses notes. Tout, à l’intérieur, y est sombre et humide. Le roi avait sa chambre et son cabinet au rez-de-chaussée, le cabinet très étroit, sans cheminée, avec la table en face de la fenêtre et sa bibliothèque derrière lui. Le salon n’était pas grand, revêtu de bois brun imitant l’acajou très travaillé, la salle à manger de même, et un autre petit salon pas plus joli. Madame logeait en haut, et n’avait qu’une seule chambre, comme M. le duc d’Angoulême. Deux autres étaient réservées à Monsieur et au Comte d’Artois quand ils venaient, tout cela très mal arrangé. Les personnes de la suite du roi et des princes étaient encore plus mal installées. L’escalier est assez singulier, en bois jaune, une galerie tout autour, et partout de petites statues également en bois jaune. A côté du château, le roi a fait construire une chapelle. »

L’impression de Decazes ne fut pas meilleure que celle de sa femme. Il le confessait au roi, qui, tout aussitôt, prenait la défense de cet Hartwell où s’étaient écoulés les seuls jours paisibles et reposans qu’il eût connus au temps de son exil.

« Vous n’avez jamais vu Abdolonyme que sur le trône de Sidon. Mais reportez-vous au temps où il cultivait son jardin et vous trouverez le tout bien suffisant pour lui. Vous êtes injuste pour le cabinet que vous appelez trou. Savez-vous bien qu’outre moi assis devant cette table sur laquelle je vous écris, il y a eu plus d’une fois huit personnes assises bien à l’aise… J’ai dit au bon duc de Gramont que vous aviez été voir sa chambre. Il y a été fort sensible… Quand j’ai loué Hartwell, le potager était une lande. A force de fumier, notre excellent Bastange l’avait rendu fertile. Négligé depuis, comme je m’y attendais, il est retombé dans son état primitif, ce qui a fait que vous n’avez trouvé ni une