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sauf deux ou trois qui lancèrent des apostrophes à la galerie et à l’Histoire. L’un d’eux même escalada son fauteuil et leva les bras au plafond. Il était petit ; ses cheveux bouffaient sur sa grosse tête à la fois gouailleuse et furibonde. Il eût parlé peut-être, s’il ne se fût aperçu que la salle était déjà vide.

Dans la cour de la Diète, les députés se précipitaient vers leurs kurumas, et, trotte trotte, à travers les larges avenues et la plaine déserte, comme une armée de rats surpris par l’inondation, ils gagnaient en toute hâte, à quelques centaines de mètres plus loin, afin de s’y concerter ou d’y faire leurs paquets, le grand Imperial-Hôtel, que le gouvernement édifia autant pour eux que pour les voyageurs étrangers, et qu’un de ces jours les tremblemens de terre jetteront à bas.

Le lendemain, le Cabinet, vainqueur des résistances du Parlement, démissionnait.


— Eh bien ! me disait mon vieux résident, n’êtes-vous pas servi à souhait ? Peste ! en moins de quarante-huit heures et dès votre arrivée, ouverture de la Diète, dissolution du Parlement, démission du ministère ; vous ne vous plaindrez pas que les Japonais rechignent à la besogne ! Résumons la situation : les députés font campagne contre les impôts ; l’Empereur soutient ses ministres irresponsables, qui en déposent le projet ; les députés protestent de leur dévouement à la Majesté Impériale, source de toute grandeur et de toute vérité, mais ils continuent à battre en brèche le Cabinet ; l’Empereur se félicite des sentimens que les députés lui témoignent, et les casse aux gages. Ils s’en vont, et le ministère les suit dans leur chute. Cela est admirable, et vous voilà, je suppose, investi de lumières suffisantes sur l’incohérence de la politique japonaise. Qu’en pensez-vous ?

— Je pense : sont-ils drôles, ces Japonais, de ne pas être plus drôles que nous !

— Vous vous trompez, me dit-il, nous sommes moins drôles… Mais quittez là les parlementaires et leur marmite renversée, et promenez-vous par la ville. Le trente-et-un décembre approche, et, depuis que la lune chinoise ne gouverne plus nos hôtes, ils s’accordent avec nous pour fêter le nouvel an. Vous rencontrerez à chaque pas des porteurs de cadeaux et des messagers de bons augures. On fait, en ces jours-ci, un solennel échange de saumons salés, de canards sauvages, de poissons, de légumes,