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l’association dissoute, ou l’accomplissement du but qu’elle se proposait. » Cette fois, le gouvernement ne se plaindra plus d’être désarmé. Il poursuivra les congrégations dans leurs biens et dans la personne de leurs membres : la confiscation d’abord, la prison ensuite. On nous avait promis une loi sur les associations ; la voilà.

La loi sur l’enseignement est d’une simplicité non moins grande : tous ceux qui voudront entrer dans les écoles, ou seulement dans les fonctions publiques devront fournir la preuve qu’ils ont terminé leurs études secondaires par un stage de trois ans dans les établissemens de l’État. Cette loi ne sera applicable que pour l’avenir, ce qui est fort heureux, car, s’il en était autrement, un très grand nombre de nos fonctionnaires de l’ordre civil ou militaire, en y comprenant, dit-on, le premier de tous, M. le Président de la République, devraient donner leur démission. Il en résulterait un branle-bas général. Mais les auteurs de la loi, en bons princes qu’ils sont, ont bien voulu reconnaître que les générations précédentes ne pouvaient pas prévoir le caprice qui devait leur passer par l’esprit à la fin de 1899, et qu’il serait dès lors injuste de les en rendre victimes. Il n’est guère moins injuste, à notre avis, d’en rendre victimes les générations futures.

Ce qui caractérise ce projet, c’est d’abord l’esprit réactionnaire et jacobin qui l’a inspiré, et ensuite, — nous ne trouvons pas un autre mot, — l’hypocrisie dont il porte la marque. Le premier point n’a pas besoin d’être démontré : à travers des incidens bien connus, tout ce siècle a marché vers la liberté, et, en matière d’enseignement, il l’a pleinement atteinte en 1875. On nous propose d’effacer tout cela. Nous aimerions mieux qu’on le fit ouvertement et franchement. Mais non ; le projet ministériel a la prétention de respecter la liberté d’enseigner. Il n’y touche pas, il la laisse intacte : seulement il établit des catégories entre les citoyens, suivant qu’ils auront profité de cette liberté jusqu’au bout de leurs études, ou qu’ils y auront renoncé trois ans avant de les finir, et il maintient à ceux-ci des droits qui deviennent des privilèges puisqu’il les refuse à ceux-là. La Révolution française, à laquelle on revient et à laquelle il faut, en effet, revenir toujours, a consacré l’admissibilité de tous à tous les emplois, pourvu, bien entendu, qu’ils y soient aptes : c’est une de ses plus précieuses conquêtes ; qu’en fait le projet ministériel ? Qu’il impose à tous un examen ou un concours, il en a le droit, et même le devoir ; mais qu’il aille rechercher dans le passé du candidat, c’est-à-dire d’un jeune homme qui a docilement suivi les directions familiales, s’il a reçu l’instruction dont il fait preuve dans tel établissement ou dans tel