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fallait faire vite, au risque de faire mal. Si c’est une excuse, acceptons-la pour ce qu’elle vaut, et voyons la suite. Elle explique la formation du Cabinet, elle n’explique pas ses projets de loi. Ces projets ne visent ni le passé, ni le présent, mais l’avenir, et même un long avenir dont ils cherchent à s’emparer. On y sent l’œuvre d’un gouvernement qui veut vivre, vivre à tout prix, et qui aspire à laisser une trace durable de son passage. Il ne lui suffit pas de sauver la République, il tient à lui donner une orientation nouvelle. De ces projets, on en avait annoncé trois, et même quatre ; nous n’en avons encore que deux, mais, comme dit Philinte, nous sommes déjà charmés de ce petit morceau. On avait promis une loi sur les associations, une loi sur l’enseignement, une loi sur les syndicats professionnels, une loi sur la presse. Nous comptions peu sur la dernière ; mais pourquoi la loi sur les syndicats n’a-t-elle pas encore vu le jour ? C’est probablement parce que les ministres ne sont pas d’accord sur ce qu’il convient d’y mettre, et que, si les uns veulent y introduire des réformes parfaitement acceptables, hardies en apparence, mais sages au fond, — comme celle qui consiste à donner aux syndicats le droit de posséder, — d’autres prétendent y ajouter autre chose, et nous ne savons quoi, afin de satisfaire leur clientèle propre. Pour le moment, cette collaboration est restée stérile ; il n’en est rien sorti.

Les projets sur les associations et sur l’enseignement paraissent avoir été d’une confection plus facile : ils ont été déposés ; nous les connaissons ; ils sont détestables. Un gouvernement quelconque, même aussi mal composé que celui-ci, se serait honoré en essayant de résoudre le difficile problème du droit d’association ; et certes, cent dix ans après la Révolution, près de trente ans après la proclamation de la troisième République, on ne pourrait pas l’accuser d’y avoir apporté une hâte excessive. Au surplus, les études déjà faites et les matériaux presque mis à point abondent : il semble qu’il n’y ait qu’à choisir parmi ces derniers et à construire. Mais le ministère n’a eu qu’une préoccupation, qui est de détruire les congrégations religieuses. Il consent à laisser vivre celles qui sont actuellement reconnues et il invite les autres à demander à l’être ; il donne à ces dernières six mois pour cela ; mais en même temps il dépose dans la loi un principe nouveau qui les condamne toutes, qui doit l’empêcher d’en reconnaître désormais aucune, et conduire inévitablement, ou lui, ou ses successeurs, à retirer l’autorisation à celles qui l’ont déjà obtenue.

Ce principe est énoncé dans l’article 2. L’article 1er définit fort bien l’association : « la convention par laquelle deux ou plusieurs