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que relève l’histoire. Elle plaît et elle instruit, selon le mot d’un ancien, sans avoir besoin d’être « littéraire : » Historia quoque modo scripta, semper legitur. Les savans Bénédictins qui, vers le milieu du dernier siècle, ayant conçu le projet de l’Histoire littéraire de la France, en commencèrent l’exécution sans autrement se soucier des railleries de Voltaire, n’étaient point des « écrivains ; » et des publications telles que celles d’un du Cange ou du Corpus Inscriptionum græcarum, qui ne sont point de la « littérature, » sont assurément de l’histoire. Mais en maintenant la distinction, il y a moyen de la tourner, et la critique, telle que l’a conçue le siècle qui finit, étant devenue l’âme de l’histoire, nous pouvons, nous devons même ici retracer de son évolution l’esquisse que nous ne saurions donner des progrès de l’histoire.

La critique a commencé, dans les leçons de Laharpe, de Marie-Joseph Chénier, de Népomucène Lemercier, ou encore dans l’Histoire de la Littérature italienne, de Ginguené, par être purement littéraire. Chateaubriand, Mme de Staël, dans Corinne, dans son Allemagne, et à sa suite, Benjamin Constant, Sismondi, Fauriel, les deux Schlegel, Auguste-Guillaume et Frédéric, celui-ci notamment dans son Histoire de la Littérature, puis, la fondation de l’Edinburgh et de la Quarterly Review, en Angleterre, et quelques années plus tard, en France, la fondation de la Revue des Deux Mondes, lui faisaient faire un pas considérable, en la rendant de locale, pour ainsi parler, ou de strictement nationale, « comparative, » historique de grammaticale, et de dogmatique enfin ou de raisonneuse, explicative ou exégétique. Avant de juger, il s’agissait désormais de comprendre, et l’écrivain n’avait plus uniquement, comme naguère, à répondre de son style, mais de ses idées, et non seulement de ses idées littéraires ou philosophiques, mais encore et même surtout de ses idées politiques. Là était le défaut de la conception, et on ne le voit que trop dans les leçons de Villemain sur La littérature française au XVIIIe siècle. Elles sont d’un rhéteur, mais d’un rhéteur animé de passions politiques très vives, qui voulait devenir ministre, et la littérature y tient donc moins de place ou à peine autant que la politique. C’est aussi ce que l’on peut dire de la critique du Globe. Pour tous ces Dubois et tous ces Rémusat, quelque enseigne qu’ils affichent, classique ou romantique, la littérature n’est que l’apprentissage de la politique, et ce qu’ils