Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/660

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et du caprice poétique de Shakspeare : Andréa del Sarto, On ne badine pas avec l’amour, Fantasio, les Caprices de Marianne. Au reste, on célébrera toujours des gloires dramatiques locales ou nationales, et, dans toutes les histoires de la littérature, on continuera de consacrer un chapitre au théâtre. Nous y mettrons, nous, à des rangs différens, et pour des mérites assez inégaux, Eugène Scribe et le « père Dumas, » Victor Hugo, François Ponsard et Emile Augier, le fils Dumas et Victorien Sardou, Henri Meilhac, Ludovic Halévy, peut-être Eugène Labiche, l’auteur des Corbeaux et celui de la Fille de Roland ; et sans doute ce ne seront ni les Anglais, avec Edward Bulwer-Lytton, Sheridan Knowles, ou Douglas Jerrold, ni les Italiens, avec Manzoni, Eduardo Fabri, Giambattista Niccolini, Gherardi della Testa, Pietro Cossa, qui nous le disputeront pour l’abondance, la valeur marchande, ou même la qualité littéraire de la production. Ce seraient plutôt les Allemands, avec Zacharias Werner, Kotzebue, Henri de Kleist, Frédéric Hebbel, et dans ces derniers temps un Gérard Hauptmann ; mais surtout avec Henrik Ibsen, que sans doute l’Allemagne a bien quelque droit de revendiquer ; et enfin avec Richard Wagner qu’il est temps, en vérité, de considérer comme auteur dramatique autant que comme compositeur de musique, Wagner, à qui nous devons, dans son Crépuscule des Dieux ou dans son Parsifal, ce que le théâtre du XIXe siècle a certainement produit de plus original, on serait tenté de dire d’ « uniquement » original ; et Wagner dont l’influence ne s’est pas moins exercée sur le mouvement général des idées que sur celui de tous les arts et de la musique en particulier. On notera d’ailleurs qu’avec un ou deux de nos auteurs dramatiques, — et non de ceux dont l’opinion fait, en France, le plus de cas, — Ibsen et Wagner sont les seuls dont on puisse dire dès à présent qu’ils aient pris place dans l’histoire de la littérature européenne.

Il n’est pas difficile d’expliquer, comment dirons-nous ? cette décadence, ou cet abaissement d’un genre dont il se peut bien que les chefs-d’œuvre soient le dernier effort de l’esprit humain ; mais, — et c’est là sa grande faiblesse ! — qui n’a rien de naturellement ni de nécessairement littéraire. Une ode, une élégie, un roman, un essai, dans le goût de ceux de Carlyle ou de Taine, d’Emerson ou de Macaulay, ne sont rien s’ils ne sont pas de la « littérature ; » mais un vaudeville ou un mélodrame peuvent parfaitement se passer d’en être. Le répertoire de Scribe et de