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sacrifices, sortes de marchés passés entre les hommes et les dieux, et où les prêtres servaient d’intermédiaires. Mais voici que, dans le second âge, apparaissent les deux doctrines du Bakhti et du Jaïna, c’est-à-dire les deux courans qui élèvent l’âme vers le Divin : d’une part, la Foi et l’Amour ; de l’autre, la Connaissance de l’être suprême. A peine né, l’esprit philosophique, qui ne se sait pas encore distinct de l’esprit religieux, élargit immensément l’Idée de Dieu. Il l’élargit tellement qu’elle déborde et enveloppe toute la nature. Et de là le panthéisme des Oupanichads, qui ravissait Schopenhauer et lui arrachait cette phrase d’admiration : « Il n’y a pas d’étude plus belle, plus haute, plus bienfaisante que celle des Oupanichads. C’est cette étude qui m’a consolé de vivre et qui me consolera de mourir. » Qu’enseignent les Oupanichads ? Que Brahma est la source spirituelle de tout ce qui vit. Il a engendré l’éther, qui a engendré l’air, qui a engendré le feu, qui a engendré l’eau, qui a engendré la terre. Puis vient le divorce inévitable, car le Panthéisme a deux expressions absolument ennemies, suivant que Dieu est tout ou que tout est Dieu. Tandis que le Panthéisme garde sa forme théologique avec Vyasa, dans ce terrible Vedanta qui fait le désespoir des métaphysiciens et dont on parle peu parce qu’on n’est pas sûr de le comprendre, il aboutit, d’un autre côté, à l’athéisme très net de Kapila, qui n’admet, dans le monde, d’autre substance spirituelle que l’âme humaine. A l’autre pôle du monde religieux, le bouddhisme était né et faisait son chemin parmi les humbles. Etait-ce une réaction contre l’abus des rites et des sacrifices ? Un développement de la doctrine de la Foi et de l’Amour ? Est-ce, comme M. Bose me l’assure, un mouvement anti-aryen, ou, tout au moins, extra-aryen ? C’est à de plus habiles à prononcer. Mais il est certain que le mouvement a tourné au profit des populations non-aryennes, que ces populations en ont fait un instrument d’affranchissement, de propagande, d’expansion et qu’elles ont, finalement, dégradé le Bouddhisme primitif, en lui imposant leurs tendances idolâtriques et fétichistes. Le Bouddhisme est vaincu, chassé de l’Inde après douze siècles de lutte, mais non sans laisser de profondes traces de son passage.

La floraison poétique qui avait succédé à la période philosophique et scientifique préparait la voie à ce retour offensif du Polythéisme, qui signale la période Puranique. Les anciennes divinités reparaissent avec toutes les grâces dont les ont parées le