Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/591

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’Espagne même la grande ressource des Espagnols. Presqu’île dégagée qui s’avance hardiment au milieu des deux mers entre l’ancien monde et les jeunes civilisations d’Amérique ou les civilisations futures d’Afrique, la position géographique de l’Espagne est trop belle pour ne pas produire un jour, par le commerce et la navigation, une renaissance de prospérité. L’émigration diminue notablement le taux d’accroissement de la population en Espagne, qui, sans elle, irait très vite. Que les conditions économiques s’améliorent, et vous verrez se repeupler avec rapidité cette terre qui eut jadis quarante millions d’habitans. Un peuple fécond ne saurait être considéré comme en train de disparaître.

Quant à la nation italienne, elle a aujourd’hui pour elle deux grandes conditions de progrès et de croissante influence : sa fécondité, qui lui assure un grand développement de population, et sa sobriété, qui la sauve des dangers de l’alcoolisme. Sous ces deux rapports, loin d’offrir la moindre trace de cette dégénérescence que M. Ferrero attribue à toutes les races prétendues néolatines, l’Italie donne, au contraire, des preuves éclatantes de vitalité et de santé. Le taux d’accroissement de la population, pour l’Italie, est parmi les plus élevés : 38 pour 1000, mort-nés déduits (l’Allemagne n’en a que 36). Comme notre taux, en France, est seulement de 22 pour 1 000, il en résulte que l’Italie ne tardera pas à nous dépasser ; il lui faut pour cela un laps de temps assez court, pendant lequel de profonds changemens dans l’esprit et les mœurs de ses familles sont peu probables. Est-ce là une race épuisée ? D’autre part, c’est en Italie que l’alcoolisme, malgré une légère augmentation depuis une dizaine d’années, est à son plus faible degré ; la consommation de l’alcool s’y maintient au-dessous de 1 litre par habitant (contre 5 en France). Le Méridional n’a pas besoin d’excitans, il est déjà à l’état d’excitation perpétuelle, le soleil et le vent entretiennent chez lui une sorte d’ébriété chronique : « il est ivre de naissance. » L’absence d’empoisonnement alcoolique assure au peuple italien le maintien de sa force physique, — et même morale, — par l’heureuse hérédité de générations saines. À ces deux vertus fondamentales, d’ordre à la fois physiologique et psychologique, joignez les extraordinaires qualités d’intelligence que nous avons reconnues dans la nation italienne, et vous conviendrez que la part est encore belle même pour de vrais Néo-Latins.

Quant à nous, Français, la plupart des maux qu’on attribue