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opinion qu’a le continent sur l’exception que ferait l’Angleterre à « l’accroissement de la criminalité des mineurs, » exprime la crainte « que cette exclusion faite en faveur de l’Angleterre ne soit due à une fausse interprétation des statistiques pénitentiaires anglaises ; » puis, chiffres en main, il conclut à « une augmentation considérable. » Aux Etats-Unis, l’accroissement est plus inquiétant encore. Les diverses races n’ont donc pas lieu de se lancer l’anathème. Les conditions morales et économiques ont partout un rôle dominant ; le tempérament national et le climat ne déterminent guère que la forme générale des crimes, où prévaut tantôt la violence, tantôt la ruse. Au lieu de s’en prendre aux races, mieux vaudrait donc s’en prendre à l’état psychologique et social des peuples.


VI

A la crise morale, chez les Néo-Latins comme chez les Germains ou même les Anglo-Saxons, se joint la crise sociale. La marche des idées socialistes en Italie s’est manifestée d’abord par le nombre croissant des grèves : 25 en 1870, 186 en 1889, 132 en 1891 ; puis, par les congrès socialistes comme celui de Reggio-Émilia en 1893, par la multiplicité toujours croissante des publications socialistes, par le mouvement agraire en Sicile ; enfin par les troubles de Milan. Toutefois les événemens de Sicile ne sont pas le résultat d’un mouvement exclusivement socialiste ; ils sont plutôt une révolte contre une organisation administrative et économique qui paraissait insupportable : ils sont « l’insurrection de la faim. » Les doctrines nouvelles ont joué un plus grand rôle dans les troubles de l’Italie du Nord.

Les grandes agglomérations industrielles sont encore relativement rares en Italie, surtout au sud de Rome ; aussi nous ne pensons pas que le danger socialiste soit grave actuellement. Le sens pratique et politique est si grand dans cette nation qu’elle ne semble pas encore exposée aux expérimentations des doctrinaires. La population italienne a l’horreur de la révolution ; pour y échapper, elle supporte tout, même ce qui eût paru d’abord insupportable, et, dans son ensemble, elle applaudit à toute répression, même rigoureuse, des menées révolutionnaires.

Si la France voit monter sans cesse le parti socialiste, elle reste cependant, sous ce rapport, bien loin de la germanique