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(Atti della commissione per il riordinamento della statistica giudiziaria). Elles reconnaissent aussi, comme une des sources de l’accroissement actuel de la criminalité, la miscredenza, l’incroyance. On a justement noté dans l’histoire du risorgimento deux courans parallèles : l’un conservateur et chrétien, qui eut surtout ses représentons dans le Nord : Silvio Pellico, Balbo, Manzoni, etc. ; l’autre anticatholique : Cavour, Garibaldi, Mazzini, Crispi, etc., et qui l’a finalement emporté. La « fibre du tempérament national, » naguère si tendue, s’est bientôt relâchée, la disproportion entre les espérances conçues et les réalités auxquelles on avait abouti a contribué à produire la démoralisation. En Espagne et en France même, vous pourriez constater des résultats analogues, qui ne tiennent en rien à la latinité. Mais les facteurs les plus décisifs sont économiques. Le professeur Todde, de l’Université de Cagliari, a constaté pour la Sardaigne que la délinquance était en diminution sensible pendant la période de prospérité économique, de 1880 à 1887 ; l’augmentation devient rapide avec la grave crise économique qui, depuis 1887, a commencé à sévir dans l’île. De même, dans la province de Bari et dans les Pouilles, une amélioration notable se produisait, lorsque, en 1887, après la dénonciation du traité de commerce avec la France, la crise économique augmenta rapidement les crimes contre la propriété.

Nous pouvons admettre, avec la plupart des criminologistes, que, si la criminalité est plus grande en Italie, c’est que ce pays y rassemble en ce moment les délits et les crimes de la civilisation à l’européenne qui y a fait irruption, et ceux d’un état social plus arriéré. La criminalité violente, legs d’un autre âge, continue d’y sévir, en même temps que la criminalité frauduleuse et immorale y suit une marche ascendante, comme dans les autres pays de l’Europe. « La criminalité y réunit à la fois l’extension et l’intensité[1]. »

De cet accroissement de la delinquenza, on aurait tort de conclure que l’Italie, prise dans son ensemble, soit un pays immoral. Un « indice certain de la moralité d’un pays, » c’est assurément la stabilité de la famille. Or la famille est constituée, en Italie, sur des bases bien plus solides que dans d’autres pays, en France par exemple. Dans la péninsule italienne comme

  1. Voir l’étude de M. F. Carry dans le Correspondant (1895) sur la criminalité en Italie.