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de Paris ? Rien de plus illusoire que de vouloir ici enrégimenter des peuples très divers sous une seule bannière. Ce qui est vrai, c’est que, dans leur interprétation du sens intime de la religion, les peuples latins et néo-latins en ont toujours modifié la primitive idéalité et la tendance mystique ; ils en ont tempéré le sublime pessimisme moral par un serein instinct de l’art et de la vie sociale, par l’eurythmie d’un naturel qui répugne à tout idéalisme excessif. Pour les croyances religieuses comme pour tout le reste, l’esprit classique, héritage de Rome, a laissé sa marque chez le peuple italien et chez tous les peuples de culture latine. Par son sens de la vie pratique, l’Italie a échappé au fanatisme. Ramener sur terre le ciel de l’Evangile et l’introduire dans le domaine de l’art, voilà sa tendance constante. De l’âme italienne on ne peut guère attendre la foi germanique au divin « mystère » des choses et de la vie ; elle s’en tient de préférence aux œuvres, et, trop souvent, à l’observance rituelle, qui est comme la partie légale du code religieux. Mais la complication des rites et des pratiques n’en a pas moins pour elle, comme pour les anciens Romains, un sens profond : elle représente les liens sociaux, l’union du citoyen avec son pays ; c’est, dit M. Barzellotti, « une fonction de la vie publique. » Aussi serait-il très injuste de ne voir dans la religion des peuples néo-latins que la sanctification des pratiques extérieures. Les « œuvres, » d’ailleurs, ne sont pas seulement des cérémonies liturgiques, des sacrifices, des pénitences imposées au croyant ; elles sont aussi, elles sont essentiellement des actes de justice et d’amour ; elles s’élèvent chez le chrétien jusqu’à « l’ascétisme héroïque, » à la pauvreté volontaire, à la perfection du dévouement. Si les excès de la justification par les œuvres peuvent aboutir au culte machinal, ceux de la justification par la foi n’aboutissent-ils pas au dédain mystique de la morale concrète et vivante ? En se tournant surtout vers les œuvres, les nations catholiques n’ont pas négligé l’œuvre la plus haute et la plus vraiment sociale, comme la plus divine : la charité. C’est un des honneurs de l’Italie, en particulier, que le développement des institutions charitables dans son sein, et non pas seulement de celles qui ont un caractère religieux, mais aussi de celles qui sont purement civiles et laïques.

On ne saurait soutenir que, avec ses qualités et ses défauts, la puissante organisation catholique, dont un Auguste Comte a si admirablement montré le grand rôle civilisateur à travers le