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RACES LATINES

Il est des paradoxes qui, par leur diffusion dans la presse quotidienne, tendent à devenir des lieux communs ; ils ne deviennent pas pour cela des vérités. Que les peuples qui s’intitulent anglo-saxons aient essayé d’ennoblir leurs succès industriels et leurs conquêtes militaires en prétendant anoblir leur race, qu’ils se soient attribué je ne sais quelle supériorité naturelle ou providentielle, rien de plus conforme aux habitudes de tous ceux qui réussissent : dans tous les temps, ceux-ci ont éprouvé le besoin de faire adorer intellectuellement leurs triomphes matériels. A la consécration religieuse a succédé de nos jours une consécration pseudo-scientifique, empruntée aux théories régnantes et surtout aux moins démontrées, qui, par leur incertitude même, prennent un air mystérieux et sacré. Plus la doctrine des races est douteuse, mieux elle est appropriée au culte de la victoire. Les oints du Seigneur ont cédé la place aux oints de la Science. Mais ce qui est curieux pour le psychologue, c’est de voir certains peuples qui avaient été non moins orgueilleux que les autres à l’heure de leurs succès, qui même traitaient leurs voisins de « barbares », consentir eux-mêmes de nos jours à leur prétendue infériorité de race, s’incliner devant les nouveaux préjugés nobiliaires des peuples favorisés par la fortune.

Entre les diverses nations dites néo-latines, il y a une communauté de traditions religieuses ; il y a aussi une parenté de langues ; il y a enfin les analogies de la culture classique et un commun amour des arts : c’est l’origine des plus naturelles sympathies, et des plus précieuses pour la civilisation. Il faut cependant aussi tenir compte de ces inévitables différences de tempérament, de caractère, de milieu social que la psychologie et la