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d’enseignement, nourrir la pensée de la transmettre à l’Eglise et de substituer ainsi un monopole et un privilège à un autre. La liberté devait être demandée comme destinée à assurer à tous les pères le droit de désigner les maîtres de leurs enfans, en dehors de toute contrainte et de tout contrôle légal, en ne rendant compte de leur choix qu’à Dieu et à leur conscience. Cet ordre d’idées nouveau, que beaucoup de gens ont eu, que dis-je ! ont encore, tant de peine à comprendre, aurait peut-être paru un peu aventureux au courageux évêque de Gand. Personne ne le professa plus ouvertement et avec plus de retentissement et d’éclat qu’un jeune seigneur appartenant à une des plus grandes maisons de la noblesse flamande, le comte Félix de Mérode, qui s’était déjà fait connaître par des écrits où respirait un mélange alors très rare de convictions chrétiennes et libérales. Ce sentiment, formé chez lui de bonne heure, avait été entretenu par l’alliance qui l’avait fait entrer dans une noble famille française, où il avait pu voir des chrétiennes accomplies, après s’être montrées avec héroïsme pendant les mauvais jours de la Révolution, vivre dans une touchante union conjugale avec des libéraux même un peu avancés comme MM. de La Fayette et de Grammont. Il descendait donc dans l’arène, prêchant l’union des catholiques et des libéraux, non comme une manœuvre de tactique électorale, mais comme une alliance loyale et durable, dont religion et liberté devaient profiter également.

Le programme de l’union ainsi réglé et les rôles distribués, la guerre commença avec une activité et un ensemble qui attestaient la profondeur et la vivacité du sentiment général. Conformément au plan concerté et rapidement exécuté, une série de pétitions de tout genre et de toutes provenances, passant de main en main, circulant dans les moindres bourgades, couvrit, en peu de mois, les bureaux des deux Chambres des États-Généraux. En même temps, de hardies publications, portant le nom des membres importans des deux groupes, naguère rivaux, et aujourd’hui associés, prenaient à partie les actes du gouvernement avec une ardeur égale et une âpreté pareille. L’agitation ainsi provoquée se communiqua aux deux assemblées législatives, où, grâce à d’habiles manœuvres des représentans belges, plusieurs des mesures, et principalement des expédions financiers auxquels le gouvernement tenait le plus, furent rejetés.

Devant ces attaques imprévues, dont les feux croisés le