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de Napoléon captif à Sainte-Hélène et de son fils enfant placé à Vienne sous bonne garde, le prince d’Orange leur parut faire leur affaire aussi bien qu’un autre. Quelques pages, empruntées à un historien[1] qui évidemment a eu leurs confidences, sont utiles à reproduire, parce qu’elles peignent au naturel les dispositions communes au libéralisme belge et aux révolutionnaires français, dont l’union ne pouvait cette fois produire aucun résultat sérieux, mais devra reparaître plus tard à plus d’une reprise dans la suite du récit que j’aurai à faire.

« Un membre du comité d’action, dit M. de Vaulabelle dans son Histoire de la Restauration, M. Voyer d’Argenson, correspondait avec plusieurs des Français exilés : vers la fin de 4819, un jour où le comité était réuni, il annonce qu’un officier supérieur belge, aide de camp du prince d’Orange, vient d’arriver à Paris, avec mission d’offrir les secours de son général pour délivrer la France des Bourbons et l’affranchir des prétentions de l’ancienne noblesse et du clergé. Commandant en chef de toutes les troupes des Pays-Bas, le prince franchirait la frontière à la tête d’une partie de son armée, arborerait le drapeau tricolore, proclamerait la réunion de la Belgique à la France et marcherait sur Paris, après avoir rallié autour de lui un nombre suffisant de mécontens ; mais il demandait deux choses : la présence au milieu de ses troupes, après leur entrée en France, de quelques hommes considérables, députés et généraux, qui se constitueraient en gouvernement provisoire, puis la promesse de succéder lui-même à Louis XVIII. Consentez-vous à entendre cet officier ? ajouta M. d’Argenson en terminant. Les généraux présens hésitèrent. Le prince d’Orange a combattu contre les Français, disaient-ils. — Oui, sans doute, mais nous n’entendrons plus parler de saint Louis, de Henri IV et du droit divin, il régnera par la volonté de la nation et ne nous abandonnera plus aux prêtres. On décida que l’aide de camp serait entendu. Les propositions apportées par cet envoyé étaient sérieuses ; il ne produisait pas seulement les preuves officielles de sa mission : ses dires se trouvaient appuyés d’états de statistique et de plans qui furent discutés avec lui dans plusieurs conférences. Bientôt il ne resta plus à examiner que la partie politique du projet. M. de Lafayette fut chargé de ce soin. » M. de Vaulabelle ajoute que, probablement, le vieux libéral

  1. Vaulabelle. Histoire de la Restauration. t. IV, p. 415.