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pendant trois ans la philosophie, la théologie, l’histoire religieuse et le droit, enseignés par des professeurs dont le roi se réservait la nomination, et dont aucune surveillance religieuse ne contrôlait les doctrines. Tout jeune Belge qui n’aurait pas fait ce stage ne pouvait être reçu dans un séminaire épiscopal. A la vérité, une réprobation si générale s’éleva et tous les évêques se montrèrent si résolus à ne pas laisser fermer la porte de leurs séminaires, qu’il fallut, dès l’année suivante, se relâcher en partie de ces exigences. Mais l’effet, le scandale, pour mieux dire, était produit. Jamais tentative plus audacieuse n’avait été faite de confisquer la foi et d’asservir la conscience d’une génération. Il y avait même une sorte de provocation à donner à un séminaire laïque le nom de collège philosophique qui, dans l’acception courante, semblait destiné à écarter toute idée d’influence religieuse. C’était également un défi de l’établir dans un séjour plein des souvenirs de l’Université célèbre qui avait été, pendant des siècles, la gloire de l’Eglise belge, et l’une des lumières du monde chrétien.

Il faut bien dire que ce qui encouragea pendant quelque temps le gouvernement royal à ces choquans abus de pouvoir, c’est que, tant qu’ils ne passèrent pas une certaine mesure, la lutte engagée ainsi entre la royauté et l’Eglise était envisagée par une partie du public non seulement avec indifférence, mais avec une secrète approbation.

Quelque attachement, en effet, que la population belge, dans sa grande majorité, professât pour la foi catholique, il s’en fallait pourtant qu’elle fût composée tout entière de croyans zélés disposés à prendre fait et cause pour les droits et les libertés de l’Eglise. Les principes philosophiques, répandus en France pendant le siècle précédent, y avaient pénétré, surtout dans la partie de la contrée où l’usage familier de la langue française en rendait l’intelligence facile et en favorisait la propagation. Leur action s’était même déjà fait sentir dans l’insurrection qui avait précédé la conquête. Une division en était résultée entre les révoltés, les uns ne demandant que le maintien de leurs anciennes franchises, tandis que les autres voulaient l’établissement d’une constitution plus démocratique, et cette dissidence avait contribué à amener leur échec commun. Quand vint ensuite la conquête républicaine opérée par Dumouriez, ce furent naturellement les adeptes des idées nouvelles qui y firent le meilleur accueil et qui acceptèrent sans résistance la suppression même