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enfant de la Belgique : Maurice-Jean-Madeleine de Broglie, l’un des plus jeunes fils du dernier maréchal de ce nom, avait été assez récemment promu de l’évêché d’Acqui en Piémont au siège de Gand, quand cette importante cité, faisant partie de l’Empire français, était le chef-lieu du département de l’Escaut. Bien qu’il ne fût pas d’un âge avancé, peu de vies, même dans ces temps agités, avaient été traversées par tant de péripéties. Quand son père avait été appelé à Versailles par Louis XVI pour prendre le ministère de la Guerre et tenter le coup de force dont l’échec fut suivi de la prise de la Bastille, Maurice, quoique à peine sorti de l’enfance, était déjà destiné à l’état ecclésiastique. Resté seul avec son frère cadet au manoir de famille, à la nouvelle des événemens de Paris, il avait vu la municipalité de la ville voisine accourir à la tête d’une bande d’émeutiers pour s’emparer des sept canons qui faisaient l’ornement de la demeure seigneuriale et que Louis XV avait donnés au maréchal en mémoire de la victoire de Bergen. Obligé de les céder, au grand désespoir de la population du village, il avait dû rejoindre son père en émigration. Mais c’était à regret, car ses tendances le rapprochaient plutôt des idées libérales de son frère aîné, qui figurait à l’Assemblée constituante dans les rangs de la minorité de la noblesse. Aussi était-il rentré en France dès que le retour fut possible, et il n’avait pas tardé à être l’objet d’une faveur qu’il n’avait pas recherchée. Il apprit un jour avec surprise que l’Empereur le comprenait au nombre des premiers évêques nommés après le Concordat et l’attachait en même temps à sa personne en qualité d’aumônier, témoignant ce jour-là, comme en beaucoup d’autres occasions, son désir de grouper autour de lui les noms qui rappelaient les souvenirs de l’ancienne France. Devenu ainsi courtisan malgré lui, le jeune prélat subit bientôt le charme que cet homme sans pareil exerçait sur ceux qui l’approchaient et il éprouva pour lui, avec l’entraînement de son âge et de son caractère, un dévouement passionné qu’il exprima dans plusieurs écrits en des termes dont sa famille, et surtout le vieux guerrier son père, retiré à Munster et voulant mourir enveloppé dans le drapeau de sa foi monarchique, trouvaient l’enthousiasme excessif. Mais ce zèle ne devait pas tarder à être sinon refroidi, au moins éclairé lorsque s’éleva le différend -entre le gouvernement impérial et le Souverain Pontife, dont la confiscation du patrimoine de saint Pierre et l’enlèvement de la personne même du Pape furent les conséquences. Il fallut