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comment s’y prendre, puisque jamais cette rivale d’Amsterdam n’était entrée dans l’ancienne fédération des Provinces-Unies ? Le moyen le plus simple parut être de l’y joindre après coup. La facilité avec laquelle l’évolution inespérée s’était accomplie à la Haye donna l’idée qu’avec un peu d’aide, le même résultat, habilement provoqué, pourrait être obtenu à Bruxelles. Aussi, le 1er février suivant, le prince d’Orange, à peine installé, recevait l’autorisation, ou pour mieux dire, l’invitation d’étendre ses vues au-delà de l’ancien patrimoine de sa famille. « Il ne peut être question (écrivait Castlereagh à l’agent qu’il s’était hâté d’envoyer à la Haye, avant la paix) d’aucune extension de souveraineté. Mais je ne vois pas ce qui empêcherait le prince d’Orange d’encourager, soit par des émissaires qu’il enverrait, soit de tout autre manière, les populations des Pays-Bas à le considérer comme leur futur souverain. De notre part, au moins, il n’aurait rien à craindre[1]. »

Le conseil fut suivi, mais ne tourna pas tout de suite aussi bien qu’on avait espéré. Les agens envoyés par le prince durent convenir que, s’il existait, dans les provinces belges, comme dans tous les départemens français, un mécontentement assez général de la prolongation de la guerre et de ses charges croissantes, — si l’idée d’un changement de régime devenait ainsi familière à beaucoup d’esprits, — les regrets et les vœux tendraient plutôt à un rétablissement du gouvernement de l’Autriche, les Archiducs, enfans de Marie-Thérèse, ayant laissé, malgré les incartades philosophiques de Joseph II, d’assez bons souvenirs. Quant au prince d’Orange, son nom était peu connu, évoquait de fâcheux souvenirs, et personne ne l’appelait. Ses envoyés, d’ailleurs, connaissant mal le pays, avaient fait plus d’une maladresse : le prince en convenait lui-même avec l’agent anglais, promettant, comme un pupille docile, qu’il s’y prendrait mieux à l’avenir, surtout si on consentait à lui donner le commandement de l’armée des alliés qui allait occuper la Belgique. Après tout, concluait l’envoyé, les populations feront toujours ce que les alliés désireront et consentiront, s’il le faut, à être cédées (made over) au gouvernement hollandais.

Malgré ces renseignemens assez peu encourageans, le ministre anglais ne voulut point se départir de son projet favori, et il se

  1. Castlereagh Papers, t. I, p. 224.