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politique. Depuis quelque temps, le mécontentement est très vif dans le sud de l’Afrique, et, sans qu’il soit nécessaire d’en rechercher en ce moment les causes, on a vu qu’il avait eu pour conséquence, lors des dernières élections dans la colonie du Cap, de faire passer le pouvoir entre les mains des Afrikanders. Le loyalisme de ceux-ci n’a subi aucune atteinte ; mais cela n’a pas empêché le gouvernement anglais d’éprouver quelque inquiétude. L’avenir lui a paru obscur et inquiétant. Il s’est demandé si ces sentimens de désaffection qu’il sentait grandir autour de lui ne trouveraient pas, un jour ou l’autre, un point d’appui et comme un centre de ralliement au Transvaal demeuré pays libre. Les Afrikanders et les Boers sont frères de race ; les liens du sang les rattachent les uns aux autres ; entre eux, les rapports de famille sont fréquens ; et, pour ce qui est de leurs intérêts, ils devenaient de plus en plus solidaires. On s’est ému de cette situation à Londres et au Cap, et on a cru devoir la faire cesser à tout prix. Voilà encore une des causes principales de la guerre, cause inavouée dans les discours officiels, mais très active dans les conseils du gouvernement. Il ne fallait, pour échapper à un danger éventuel, que la destruction d’un intéressant petit peuple : l’Angleterre en a eu bientôt pris son parti.

L’autre cause déterminante de la guerre est toute financière : à ce titre, elle est particulièrement odieuse. Lord Salisbury l’a bien senti, et, dans son récent discours au banquet du lord-maire, il a tenu à s’expliquer à ce sujet. S’est-il expliqué réellement ? Non ; il s’est contenté d’opposer un démenti à un reproche dont il se montrait particulièrement touché. Ce reproche lui revenait de partout, non pas seulement de France, mais de tous les pays de l’Europe continentale ; néanmoins lord Salisbury a choisi, pour en faire l’objet de ses protestations, un article de journal écrit par un homme qui, a-t-il dit, n’est pas le premier venu, puisqu’il a fait partie du gouvernement français. Ce publiciste d’occasion est M. Eugène Etienne, ancien sous-secrétaire d’État des Colonies, dont on connaît la compétence dans les questions coloniales. Nous avons lu l’article de M. Etienne : c’est à peine s’il y est fait allusion à cette question d’argent qui a joué un si grand rôle dans la guerre actuelle. Mais le trait a porté. Au reste, lord Salisbury, avec l’humeur caustique qui lui est propre, s’est bien gardé d’aborder un tel sujet directement ; il a préféré donner le change à ses auditeurs en affirmant que, malgré les allégations contraires, aucun membre du ministère anglais n’avait reçu un farthing du Transvaal. Soit, mais ce n’est pas là ce qu’on avait dit : personne, et