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REVUES ÉTRANGÈRES

L’ŒUVRE DE GŒTHE ET LA CRITIQUE ALLEMANDE[1]

De l’énorme quantité de livres, brochures, et articles publiés en Allemagne à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance de Goethe, je n’ai pu extraire, il y a deux mois, que quelques documens relatifs à la vie du poète : je voudrais aujourd’hui signaler ce qui, dans ces publications, se rapporte plus particulièrement à son œuvre, et nous aide à mieux comprendre le véritable caractère de son génie poétique. Mais voici d’abord une petite découverte assez piquante qui, comme on verra, se trouve intéresser à la fois la biographie de Gœthe et l’étude de son œuvre.

Dans la quatrième partie de ses Mémoires, Gœthe nous parle du goût de son père pour la peinture, et des manies qu’il y apportait ainsi qu’à tous ses goûts : « Il était profondément convaincu qu’un tableau peint sur bois était très supérieur à un tableau sur toile. Aussi une de ses principales préoccupations était-elle de posséder de bons panneaux de chêne, qu’il faisait faire d’avance par un menuisier, sachant que les artistes, dans leur légèreté, s’en remettaient sur ce point trop volontiers au hasard. Et, durant de longues années, les panneaux ainsi préparés séchaient à leur aise, dans une des chambres du haut de la maison, en attendant qu’ils fussent jugés aptes à être couverts de peinture. C’est un de ces précieux panneaux qui fut confié au peintre Juncker, pour qu’il y représentât, d’après nature, un bouquet formé de fleurs des espèces les plus agréables. Et comme mon père m’envoyait toutes les semaines chez le peintre, pour m’informer des progrès du travail, je ne manquais jamais d’apporter les plus belles fleurs que je trouvais à cueillir. Juncker me les prenait des mains, les plaçait dans le vase,

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1899.