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C’est l’honneur de la Comédie que les défauts y choquent plus qu’ailleurs et que les faiblesses y apparaissent dans un jour plus cru. C’est le malheur de la plupart des œuvres contemporaines qu’elles n’aient pu résister à cette épreuve. Si l’on demande quels élémens nouveaux les auteurs de notre temps ont apportés au théâtre, on en trouve jusqu’à deux : d’une part, un certain tour de blague et d’ironie, qui fait le succès du genre parisien ; d’autre part, la brutalité toujours croissante des peintures et du dialogue. J’ai peine à croire que ce soient des acquisitions. Génération d’analystes et de railleurs, tour à tour subtils et violens, elle a été aussi peu que possible une génération d’auteurs dramatiques. Dégoûtée, comme cela était légitime, de la formule qui avait servi pendant trente ans, elle en a cherché une autre qu’elle n’a pas su dégager complètement. Son plus grand défaut est encore de n’avoir eu que peu de goût pour le théâtre. Les Augier, les Dumas, les Sardou, les Feuillet, comme les Labiche et les Gondinet, avaient la passion de leur art ; c’étaient des croyans, ce fut une partie de leur force. Les meilleurs de nos écrivains, tels que MM. Jules Lemaître, Paul Hervieu, Eugène Brieux, ceux qui se sont efforcés de donner des œuvres probes et dignes du cadre auquel ils les destinaient, nous laissent l’impression d’un art sommaire, hâtif, dénué de souplesse et de plénitude. Voilà ce qui crève les yeux, et ce dont on ne veut pas convenir. On ne veut pas se résigner à admettre qu’il puisse y avoir dans la production du théâtre un temps de lassitude. On veut à toute force qu’il y ait succession ininterrompue de chefs-d’œuvre. L’histoire de la littérature dramatique proteste contre une aussi ambitieuse théorie. Il suffit d’évoquer le souvenir des deux siècles précédens pour s’apercevoir qu’il y a au théâtre de longs interrègnes. Pourquoi le nier contre l’évidence ? Où est le déshonneur, si chaque époque n’apporte pas le même nombre de romans qui comptent, de pièces de théâtre, de livres d’histoire ou de critique ? La vérité est qu’il y a eu, pendant ces derniers quinze ans, disette de pièces solides et vigoureuses. Or, on aura beau dire, l’interprétation et l’encadrement ne sont que des accessoires, la pièce est l’essentiel. Dans un théâtre réservé à la haute comédie, s’il y a détresse passagère, c’est d’abord la faute des auteurs.

C’est ensuite la faute des acteurs. Eux aussi, les acteurs de la Comédie se plaignent. Ils se plaignent, car ils souffrent. Et la cause de leur intime souffrance est telle qu’on se ferait scrupule de manquer à la signaler et à la souligner. « Ils évoquent les âges révolus où les sociétaires étaient parés d’une auréole, où deux haies respectueuses saluaient leur sortie à la porte de la rue Saint-Honoré. Que les temps