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et de chemins de fer ; et c’est au nom des bonnes relations traditionnelles entre le gouvernement de la République et celui du Fils du Ciel que le Tsong-li-Yamen nous les a accordées. S’il y a là, à vrai dire, une formule diplomatique, il y a aussi une vérité. Sans parler du prestige dont nous avons toujours joui à Pékin et que le malentendu de Chang-hai n’a pas pu sérieusement entamer, sans insister de nouveau sur l’autorité morale et l’influence effective que nous assure le protectorat du catholicisme, nous avons en Chine de grands intérêts matériels, et le chiffre de nos échanges y est, par ordre d’importance, le second. Que l’amiral à qui l’Angleterre confie en Extrême-Orient des missions commerciales affirme, s’il le veut, « que la France et la Russie n’ont aucun trafic avec la Chine[1],  » les statistiques suffisent à démentir ces exagérations voulues et les faits se chargent de faire comprendre aux Célestes quelle différence il faut faire entre les Français et les Russes, par exemple, dont les entreprises et les travaux sont conformes aux besoins les plus évidens de l’Empire du Milieu, et d’autre part ces Anglais et ces Américains, qui parlent de fonder un immense trust pour l’exploitation générale de la Chine, qu’ils traitent comme un placer aurifère ou un gisement de houille.

L’intégrité de la Chine, seul moyen de prévenir l’explosion belliqueuse des convoitises rivales, a toujours été l’une des règles de notre politique en Extrême-Orient. Même après l’occupation de Kiao-tchéou et de Port-Arthur, l’expédient des cessions à bail a maintenu le principe de l’intangibilité des dix-huit provinces. Mais il ne faut pas nous dissimuler que, malgré les formules habiles et quoiqu’on ait « sauvé la face,  » on parle de plus en plus du partage de la Chine. Comme les Européens, une fois installés sur les côtes de l’Inde, ont été amenés peu à peu à la soumettre tout entière, de même, peut-être, les circonstances et l’incurable faiblesse du gouvernement entraîneront-elles, petit à petit et sous couleur d’organisation et de mise en valeur, une véritable conquête du Céleste Empire. Si cette éventualité se produit, nous savons où devront s’exercer nos revendications.

Nous voulons, nous aussi, « la porte ouverte » en Chine ; et, pour nous servir des termes mêmes qu’employait récemment M. Brodrick caractérisant la politique anglaise, « nous ne voulons pas perdre notre temps et notre énergie en luttes stériles avec

  1. Discours du 9 juin aux Communes.