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conseils locaux, dont plusieurs se réunissent pour nommer un délégué, des sénats universitaires, des chambres de commerce et enfin des représentans choisis par les groupes de propriétaires fonciers.

Comment fonctionne cette machine complexe, combinaison ingénieuse (trop ingénieuse ! ) de poids et de contrepoids ? Je n’en sais rien et je crois que personne ne le sait. Çà et là apparaissent des symptômes qui donnent lieu à de tristes réflexions. Lorsque la peste a éclaté à Bombay, les autorités indigènes ont été très lentes à comprendre que, dans certains cas, le dévouement n’est plus une vertu, mais un devoir strict pour les hommes publics. Les magistrats municipaux n’ont su payer ni de leur personne, ni de leur argent, ni de leur parole. Ils ont laissé aux Anglais l’odieux de certaines mesures, absolument justifiées et nécessaires. Cette mollesse m’inquiète. Passé le cercle de famille, l’Hindou ne sait pas décider, ne sait pas ordonner. Il n’a pas encore acquis ou il n’a pas encore retrouvé le sentiment de la responsabilité, ni su prendre, comme le Japonais, le courage de ses nouvelles notions occidentales.

Si les pouvoirs locaux, institués par lord Ripon, fonctionnent dans une obscurité relative et ne donnent pas encore de résultats clairement appréciables, les opérations du Congrès, au contraire, ont été, dès le premier jour, ardemment éclairées par les discussions contradictoires de la presse, comme par le croisement de cent projecteurs électriques. Ce mouvement n’émane pas de l’action directe du gouvernement, mais il doit beaucoup à l’initiative de certains Anglais, tels que sir William Hunter[1], la plus haute autorité sur les questions indiennes et le meilleur ami que l’Inde possède en Angleterre. Sir William Hunter voit dans le Congrès le « réveil de l’Inde, » le « commencement d’une vie nationale, » une « grande force qui travaille non à la dissolution mais à la consolidation de l’Empire. » Parmi les Indiens, le Congrès a excité un vif enthousiasme, mais il a rencontré une violente opposition chez certaines classes et dans certains milieux : l’un et l’autre ont contribué à son succès, si le succès est, en politique, de faire beaucoup de bruit.

Qu’est-ce que le Congrès ? Le mot est une heureuse équivoque. Un congrès est quelquefois une assemblée régulièrement élue et

  1. Sir W. Hunter est l’auteur du livre intitulé The Indian Empire, its people, history and products.