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Dans son dernier rapport (1899), M. Witte, après avoir démontré que les populations rurales sont très légèrement taxées, se demande pourquoi leurs progrès ne sont pas plus rapides, et croit devoir attribuer ce fait au caractère indéterminé de la propriété des paysans, souvent embarrassés pour diriger leurs exploitations, faute d’un régime juridique clair et stable : il en conclut qu’il faut aborder de front les questions de principe qui touchent à l’organisation de la propriété communale. On voit à quelle ampleur de vues mènent des études budgétaires qui ne se bornent pas à un examen superficiel des chiffres, à l’acceptation servile et passive d’un ordre de choses préexistant, mais qui se préoccupent de remonter aux causes, à la source même des forces productives ; c’est là un esprit large et fécond, l’opposé même de l’esprit fiscal qui, dans d’autres pays, non seulement enlève toute élasticité aux finances de l’État, mais finit par les compromettre en frappant de mort l’esprit d’initiative et de progrès.

C’est en face de ces œuvres considérables que l’on comprend la grandeur et l’importance du rôle du ministre des Finances, et que l’on approuve les pays qui, comme l’Angleterre, en confient très volontiers les fonctions au chef du cabinet. Aussi est-ce chez elle que nous trouverons les plus beaux modèles à proposer aux administrations financières. Nous avons ici même montré, l’an dernier, par quel travail merveilleux la Grande-Bretagne avait, en moins d’un siècle, réduit du quart le montant de sa dette, en même temps que son empire s’étendait dans toutes les parties du monde et que sa flotte restait de beaucoup supérieure à celle de n’importe quelle autre nation. Ce résultat à lui seul indique assez quelle suite dans les idées, quelle persévérance, quelle énergie il a fallu déployer pour l’atteindre et le conserver. Mais ce qui est plus remarquable encore, c’est que des améliorations de toutes sortes ont été introduites dans les impôts, que les taxes ont été simplifiées, que les portes du pays ont été ouvertes toutes grandes à la plupart des marchandises étrangères, matières premières et produits fabriqués ; que seules, un petit nombre de denrées, de luxe plutôt que de première nécessité, telles que le tabac et l’alcool, sont restées frappées de droits élevés, qui alimentent les caisses du Trésor sans renchérir le pain ni le vêtement du pauvre.

Les résultats obtenus n’ont pas été les mêmes en Russie, pour des motifs d’une évidence telle qu’il est à peine besoin de les